
Golem
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Thème
Amos Gitaï s’inspire de différents textes (son Prends de la poussière, Le Golem d’Isaac Bashevis Singer, Juifs en errance de Joseph Roth, ou encore Le Baiser de Delphine Bechtel) auxquels il ajoute des chansons traditionnelles en yiddish, en ladino ou en français notamment, pour revisiter le mythe du Golem.
A la fin du XIIIème siècle, sous le règne chaotique de l’empereur germanique Rodolphe II, le Golem aurait été façonné par un rabbin à partir de terre et de poussière. La créature extraordinaire ainsi créée est chargée de protéger la communauté juive ashkénaze de Prague en butte à des persécutions par les populations et les autorités locales, qui multiplient des pogroms bien réels ou des accusations d’infanticides parfaitement imaginaires.
Points forts
Le spectacle marie très heureusement la musique et le texte, et l’on peut notamment apprécier la performance de Laurent Naouri, dont la voix aussi puissante que chaude de baryton basse enchante les paroles qu’il prononce et les airs qu’il interprète.
Très soucieux de travailler sur l’image, Amos Gitaï excelle à combiner la scène et l’écran. Dans cette optique, quelques fulgurances peuvent être mises à son actif, notamment l’utilisation de bas-reliefs verticaux enflammés lors de la scène du pogrom et les magnifiques reflets d’images filmées sur les décors suspendus au-dessus du plateau.
Quelques réserves
Ce Golem nous laisse sur notre faim, en raison de failles assez conséquentes.
D’un côté, la vocation universelle de ce récit constitue sans doute la raison d’être de sa mise en spectacle. Du reste, Isaac Bashevis Singer, qui fait autorité ici, ne s’en cachait pas dans son Golem, l’auteur dédiait en effet « cette histoire aux persécutés, aux opprimés partout dans le monde, jeunes et vieux, juifs et gentils, dans l’espoir fou que le temps des accusations injustes et des décrets iniques viendra un jour à sa fin. »
Mais, contraint de centrer exclusivement le propos sur les persécutions de shtetls praguois, avec d’un côté des récitatifs successifs de violences insoutenables (dont la répétition n’ajoute rien à leur première évocation), et de l’autre des allusions appuyées - hardes de déportés tombant du ciel, permanence du thème de la crémation - à l’extermination des juifs ashkénazes durant la Seconde Guerre mondiale, ce Golem prend le risque de laisser penser (j’insiste sur cette formulation) que toutes les violences et massacres perpétrés à grande échelle sur des populations civiles innocentes - depuis et ailleurs dans le monde - s’effacent, ou à tout le moins doivent être relativisées, à l’aune la Shoah.
Cette insuffisance semble avoir été perçue par Amos Gitaï, qui entend la désamorcer, mais ô combien maladroitement, en toute fin de spectacle, avec un épilogue pesant nous indiquant ce qu’il faut penser de ce que nous venons de voir, soit qu’on n'ait pas compris son message et son intention, soit que le caractère universel de l’œuvre n’ait pas été assez explicite...
C’est Micha Lescot – que l’on a vu plus à son avantage dans Les Amandiers (ici, son interprétation à la Bernard Menez d’un juge-bouffon est aussi cabotine que décalée, tout comme du reste l’issue du procès) – qui se charge d’une besogne où le didactique le dispute au ridicule, enfilant des ponts-aux-ânes du genre « l’art c’est de la résistance », ou des banalités à la « We are what we are », un peu comme Si tous les gars du monde voulaient se donner la main. Pour un peu, on se croirait téléportés dans les années 1970, pendant une pièce de théâtre engagé comme il s’en donnait dans les Maisons des Jeunes et de la Culture...
Encore un mot...
Un Golem pas très bien ficelé, où l’irritant le dispute à l’épatant, et dont la projection à l’universel peine à s’affirmer.
En matière de résistance par l’art, on peut préférer à ce Golem L’Esthétique de la résistance, une pièce inspirée de Peter Weiss qui se donne ces temps-ci.
Une phrase
- « Prends de la poussière d’une montagne, de la terre vierge, répands-en dans toute la maison et lave ton corps. De cette poussière pure, fais un Golem, la créature que tu veux créer et animer, et au-dessus de chaque membre, prononce la consonne qui lui est attribuée dans le Sefer Yetsirah et combine-les avec les consonnes et les voyelles sacrées. »
L'auteur
Amos Gitaï est né en 1956 à Haïfa en Israël, d’un père ayant fui le nazisme et d’une mère, Efratia, née en Palestine. Après des études d’architecte et un service actif l’ayant considérablement marqué pendant la guerre du Kippour (octobre 1973), il s’oriente assez rapidement vers le cinéma documentaire puis la fiction.
Dramaturge, il crée pour Avignon Yitzhak Rabin, chronique d’un assassinat en 2018 et, la même année, il est élu à la chaire de Création artistique du Collège de France, puis enseigne à la Columbia university.
Son œuvre a reçu de nombreuses distinctions.
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