Georges Dandin ou le mari confondu
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Thème
La pièce écrite par Molière et accompagnée d’une pastorale de Lully met en scène, au travers des sept personnages, trois groupes sociaux qui ne cessent de s’affronter sur le mode de la comédie, voire de la farce, pour la plus grande joie d’un public choisi, issu de la noblesse de cour à la fin du XVIIe siècle. Au sommet, une noblesse provinciale, immémoriale, titrée mais ruinée, qui donne sa fille Angélique en mariage en échange de subsides salvateurs à Georges Dandin. Ce dernier est le prototype du bourgeois aisé aux origines rurales et à l’assise foncière conséquente, alors qu’en bas, la valetaille, représentée par l’imposante Claudine et le libidineux Lubin prennent fait et cause pour les gens à particule.
Points forts
- L’interprétation est à tous égards remarquable : Michel Fau, souvent fardé en clown triste, sait infléchir la caricature du bourgeois riche et odieux vers un homme désorienté et désemparé par le chamboulement des certitudes liées au mariage. Le couple formé par les parents d’Angélique, issus des lignées de Sotenville et de Prudetterie (et que l’on ne saurait mieux nommer...), sont absolument impayables. De son côté, la ravissante Angélique (Alka Balbir) a, quand la situation l’exige, un débit hallucinant de vitesse et de précision. Quant au jeune Clitandre (Armel Cazedepats), il a juste ce qu’il faut de fatuité satisfaite, inconscient qu’il est de ne devoir son importance qu’à des éléments (sa jeunesse, son physique et sa naissance) peu révélateurs d’une quelconque qualité intrinsèque.
- Le décor (conçu par Emmanuel Charles) est tout à la fois imposant et intelligent. Il exprime à merveille, entre autres choses, les hiérarchies en place dans la société de l’époque. Fonctionnel, il est tout à fait actuel...
- Enfin, la qualité musicale de l’Ensemble Marguerite Louis doit être soulignée, aussi bien sur le plan instrumental que vocal. Ajoutons à cela les costumes des chanteurs, réalisés par Christian Lacroix, qui sont admirables de finesse et d’expressivité dans la chromatique et dans leur articulation avec les maquillages dus à Véronique Soulier Nguyen (Maison Messaï).
Quelques réserves
- Il n’y en a qu’une, mais elle doit être notée. Sans chercher une mauvaise querelle aux chanteurs, le public n’arrive absolument pas à saisir le sens de la pastorale. Ce n’est pas une question d’acoustique de la salle, ni de qualité du chant. C’est tout simplement lié à la prononciation adoptée, fidèle à celle du chant baroque, mais qui ne nous est absolument pas familière et par conséquent compréhensible.
- Or ces airs chantés font office de chœurs, ils sont porteurs de sens, et il est dommage de passer à côté du message qu'ils délivrent, en phase ou en contrepoint de la comédie. Ne serait-il pas possible de procéder comme à l’opéra, en insérant les paroles en cartouche dans le décor ?
Encore un mot...
- Ah, qu’il est difficile de grimper l’échelle sociale, aujourd’hui comme hier ! Dandin en fit l’amère expérience, qui ne parvint pas à se saisir des codes de la classe briguée, surtout quand des spécimens de la noblesse l’empêchent par tous les moyens d’y parvenir, et le mariage ne change rien à l’affaire.
- Mais dans ce jeu où « il faut que tout change pour que rien ne change » (T. di Lampedusa), tout le monde en prend pour son grade : nobles provinciaux suffisants mais plus vraiment nécessaires ; bourgeois arriviste et suborné ; peuple éruptif et instinctif, jusqu’à l’institution du mariage, qui n’est pas plus épargnée.
Une phrase
Georges Dandin [monologue] : « Ah ! Qu'une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s'élever au-dessus de leur condition, et s'allier, comme j'ai fait, à la maison d'un gentilhomme. La noblesse de soi est bonne : c'est une chose considérable assurément, mais elle est accompagnée de tant de mauvaises circonstances, qu'il est très bon de ne s'y point frotter. Je suis devenu là-dessus savant à mes dépens, et connais le style des nobles lorsqu'ils nous font nous autres entrer dans leur famille. L'alliance qu'ils font est petite avec nos personnes. C'est notre bien seul qu'ils épousent, et j'aurais bien mieux fait, tout riche que je suis, de m'allier en bonne et franche paysannerie, que de prendre une femme qui se tient au-dessus de moi, s'offense de porter mon nom, et pense qu'avec tout mon bien je n'ai pas assez acheté la qualité de son mari. George Dandin, George Dandin, vous avez fait une sottise la plus grande du monde. Ma maison m'est effroyable maintenant, et je n'y rentre point sans y trouver quelque chagrin. »
(Acte I, scène 1)
L'auteur
• Plutôt que de rappeler une nième fois le parcours et l’œuvre de Molière, dont on célèbre cette année le 400ème anniversaire de la naissance, il est plus utile à la compréhension de Georges Dandin de signaler qu’il s’agit d’un « Grand divertissement » donné à la Cour du Roi-Soleil en juillet 1668, sous la forme d’une comédie, mêlée à une pastorale chantée dont la musique a été composée par le musicien attitré du souverain, le célèbre Lully.
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