
FRIDA
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Thème
La pièce retrace la vie tumultueuse - borderline souvent, engagée toujours - de Frida Kahlo, la grande artiste peintre mexicaine du deuxième tiers du XXe siècle. Rebelle et lourdement handicapée, enfant de la révolution mexicaine, elle fait preuve très jeune d’un immense talent, salué notamment par Picasso et Kandinsky, et revendiquée malgré elle par André Breton et les surréalistes.
Frida est aussi dotée d’un sacré caractère, soumise à des influences politiques. Ouvrant la voie aux mouvements féministes du monde entier, elle est, comme son compagnon Diego, communiste dans l’âme. C’est ainsi qu’elle rencontre Trotski, qu’elle héberge pendant quelque temps à la Casa Azul. • Frida Kahlo est aussi soumise à des pulsions affectives et sexuelles passant pour hors-normes à l’époque. Entière et excessive, « elle se donne à sa peinture à corps perdu. » D’ailleurs, les souffrances physiques, moitié à cause de la polio contractée à six ans, moitié à la suite d’un très grave accident de la circulation, seront son lot quotidien.
Le texte raconte le destin de cette femme écorchée vive, une femme de son temps, voire en avance sur son temps. Le destin « surréaliste » de cette femme au « sourcil unique » révélé par 55 autoportraits (sur 140 toiles) nous saute à la figure, et résonne clairement avec notre époque.
Son corps abîmé par de multiples fausses couches, son rapport à l’amour déconstruit, sa bisexualité, son rapport aux corps et son indépendance en tant que femme dans un milieu masculin en font un être unique.
- Frida est incomparable de charme, de talent, de résilience. Son art est provocateur et radical, son engagement politique en faveur du communisme est assumé et déterminé, même si son esprit est libre. Sa relation épique et conflictuelle avec l’artiste Diego Rivera l’infidèle est, elle aussi, douloureuse. Mais heureusement le soutien de son cher papa qui est subjugué par une telle femme, énergique déterminée et sensuelle à la fois et surtout, libre. Frida « la boiteuse » marche droit vers son destin.
Points forts
L’interprétation d’abord. Le personnage de Frida, magnétique, est interprété de façon magistrale par Ana Lorvo, incarnation parfaite de l’artiste, avec sa dose d’émotions, de souffrance et d’énergie. Elle est particulièrement forte et émouvante, aidée par sa langue maternelle, avec ses coups de gueule bien envoyés en direction notamment de Diego « Bastardo, Viva la vida ! » s’écrie-t-elle. . L’émotion à l’état pur ensuite. Frida manifeste une empathie communicative et fait montre d’une résilience, voire d’une dureté à son propre endroit à toute épreuve. Son père Guillermo, juif allemand de Bade (ou supposé tel), la couvre d’amour, et elle l’adore. C’est vraiment très émouvant. A 56 ans, elle a déjà subi 32 opérations quand elle doit se faire opérer des pieds. A la sortie de l’hôpital avec sa jambe en 12 morceaux et son corset de fer, elle dira, serrant les dents : « Je ne suis pas morte, j’ai une raison de vivre : la peinture. » Elle nous laissera en guise de témoignage son terrible tableau « La colonne brisée. » Plus tard, quand il faudra lui couper la jambe pour cause de gangrène, elle s’écriera : « Des pieds, pourquoi faire ? Pourquoi j’en voudrais puisque j’ai des ailes pour voler ! »
Diverses séquences fortes enfin, comme la rencontre avec le père de la révolution bolchevique, le camarade Trotski, ou encore la pseudo rivalité amoureuse avec sa sœur adorée qui a été séduite par Diego (décidément un sacré tombeur). Dans un face-à-face de la énième réconciliation, on retrouve les deux artistes négociant leur indépendance amoureuse dans l’interdépendance artistique.
Un beau texte, bouleversant à plus d’un titre.
Quelques réserves
La mise en scène est sommaire et touche au dénuement : Frida et sa famille, son compagnon, sa sœur adorée et son père protecteur, évoluent dans un bric-à-brac indescriptible. Tout se passe autour d’un lit derrière un voile et son baldaquin symbolique bien sûr mais trop rudimentaire.
Par ailleurs on n’évoque guère le talent de l’artiste, l’originalité des peintures de Frida Kahlo. De temps à autre, on parle de ses expositions à New York et de ses succès tardifs mais indiscutables. Bref, on n’est pas tout à fait dans l’ambiance de la création…
En revanche, nous sommes plongés dans les querelles de couple, tant les deux artistes vont souvent se déchirer et se faire mal, mais les frasques de l’un ou les amours saphiques de l’autre sont moins intéressants que l’origine, et l’originalité, de l’œuvre de Frida. Et de ce point de vue, on reste un peu sur sa faim.
Encore un mot...
- Dans les années 1980, Vanity Fair écrivit : « Frida est une héroïne politiquement correcte pour chaque minorité blessée. » Elle deviendra vite un symbole au sein de la communauté LGBTQ.
Une phrase
Frida [après son accident de tram et trois mois d’hôpital] : « J’ai finalement perdu ma virginité dans cet accident et j’ai besoin de savoir comment. »
- A Diego : « Tu n’es qu’un crapaud ! Le mariage est une escroquerie ! » et - dans un moment de lassitude - « La solitude, c’est la gangrène au quotidien. »
L'auteur
Paöla Duniaud est comédienne et metteure en scène. Formée au cours Florent dont elle sort en 2014, elle fait partie de la maison d’artistes Actors Factory et multiplie les expériences théâtrales, soit comme metteure en scène, soit comme interprète.
- P. Duniaud joue dans Iphigénie, Le dindon de la farce, Platonov. Elle tourne dans le dernier film d’Olivier Dahan, Le voyage du siècle, dans le rôle de Deborah Veil, et interprète Jeanne dans Marie Tudor de Victor Hugo. Paöla Duniaud vient également d’achever l’écriture d’une série long format et met en scène sa deuxième pièce de théâtre. Dans Frida, elle campe la sœur de Frida.
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