Folie
Infos & réservation
Thème
Soyons clairs : il n'y a aucune espèce de thématique discernable dans Folie, rien qui relie entre elles les multiples saynètes qui, pendant une heure et quelque, se succèdent à un rythme effréné. Rien, sinon la folie, justement, ou plutôt le drôlatique et l'absurde. Il s'agit d'un pot-pourri construit par Jean-Michel Ribes à partir de textes que lui et son complice Roland Topor (hélas disparu) avaient ébauchés, séparément ou ensemble, au cours des années. « Nous sommes des enfants bâtards du dadaïsme », dit Ribes à juste titre. Cela donne des tirades ciselées du genre : « Démocratie, argent, nourriture, médicaments, vêtements chauds ? Non ! Ce qui manque le plus aux Polonais, ce sont les voyelles », ou des chansons et sketches hilarants comme l'Aspirine ou la Cuisine cannibale (extrait du livre éponyme de Topor). Le tout est accompagné en live par la musique jazzy de Reinhardt Wagner, autre complice de Topor. Wagner lui-même est aux instruments avec François Verly, l'un à gauche, l'autre à droite de la scène.
Points forts
- Sous le grand délire foutraque, la pièce réclame des acteurs et des musiciens une coordination de jeu parfaite, sous peine de voir patiner les enchainements, s'écrouler les effets comiques, se planter les dialogues. Quel travail ! On reste épaté par le dynamisme et le charme de David Migeot, Alexie Ribes et Héloïse Wagner (accessoirement filles des susnommés). Il faut du talent pour nous faire rentrer par exemple dans l'histoire de ce policier chargé de recueillir le témoignage d'une tomate, unique rescapée de l'écrasement sur la chaussée du cageot qui la transportait. Il tombe amoureux, elle le suit mais demande : « Tu ne me mangeras pas, dis ? ».
- En prime, le trio chante remarquablement – pas de playback pour les voix et la musique, évidemment. Ces dames sont bien servies par les robes acidulées de Juliette Chanaud ; elles leur permettent de rester impeccables malgré les danses et galipettes endiablées qu'exige la mise en scène.
Quelques réserves
- Je n'en vois aucun. Ne changez rien !
Encore un mot...
Lecteur assidu depuis l'enfance des textes horrifiques de la littérature vampirique, je ne pouvais que sortir de mon cercueil à l'écoute de la chanson le Vampire végétarien, bien dans le ton du reste de Folie. Le plaisir gourmand des acteurs à l'interpréter est particulièrement réjouissant, comme la "morale" de l'histoire : si vous avez du sang de navet, vous feriez-bien de passer vite votre chemin. Pour vous allécher, on vous offre le refrain ci-dessous.
Une phrase
Duo de dames et un monsieur (chanté) : « Visiteurs de cimetières, joyeux fêtards noctambules, jeunes ou vieilles filles solitaires qui seules dans la nuit circulent, avec lui vous ne risquez rien : – Je suis vampire végétarien... »
L'auteur
Directeur du Théâtre du Rond-Point depuis 2001, Jean-Michel Ribes est un auteur, acteur et metteur en scène prolifique, au cinéma et au théâtre, détenteur de plusieurs molières. Friand de comique absurde, il s'était lié d'une amicale affinité intellectuelle avec Roland Topor (1938-1997).
Peintre, poète, romancier, chansonnier, acteur, cinéaste et bien d'autres choses, auteur du très kafkaïen Locataire chimérique (roman, 1964, dont Roman Polanski tira un film) et de la merveilleuse Planète sauvage (film d'animation, 1973), Topor fut sans doute l'un des esprits les plus originaux d'après-guerre. Avec Ribes, il a écrit plusieurs pièces, dont Batailles (1983) et des séries de sketches fameux pour la télévision, Merci Bernard (1982-84) et Palace (1988-89). Même complicité, côté musique cette fois, avec Reinhardt Wagner, compositeur apprécié au cinéma et au théâtre. Celui-ci écrivit entre autres la partition du conte lyrique de Topor, Joséphine et les ombres (2004).
Ajouter un commentaire