A Floresta que Anda (La forêt qui marche)
Infos & réservation
Thème
Dernier volet d’un triptyque très librement adapté de Macbeth, Christiane Jatahy immerge le spectateur dans un spectacle/performance duquel on ne ressort pas indemne. On y est face à l’effondrement de la société, à la crise des migrants, aux ravages de la drogue et des cartels brésiliens. Dans un premier temps via des extraits de films, puis tout au long d’une performance à laquelle participe activement mais à son insu, le spectateur.
Points forts
On entre comme dans un vernissage. Un grand buffet dans le fond de la salle faiblement éclairée et quatre écrans suspendus nous donnent à voir des films sur les grandes crises mondiales. On déambule calmement parmi ces vidéos desquelles jaillit pourtant le chaos. Mais le volume est faible et nous sommes attirés comme des papillons vers le buffet. Tout nous invite à nous regarder dans le grand miroir qui nous fait face et à boire un verre... Après un certain temps, Julia Bernat circule parmi la foule, et elle s’écroule. Qui de nous lui tend la main ?
Les caméras ne sont pas toujours là où l’on croit, le jeu est dorénavant presque autant affaire du spectateur que de Julia Bernat.
Il est difficile de décrire cette performance sans en dévoiler les mécanismes, et la surprise est nécessaire à l’expérience. Parlons du talent qu’a Jatahy de nous saisir à un endroit intime, s’adressant autant à l’intellect qu’à l’affect. Petit à petit, le son, l’image et tous les acteurs participent d’une montée dramaturgique en un climax effrayant.
A notre corps défendant, nous sommes témoins, impuissants, de la folie qui gronde et guette chacun de nous. Christiane Jatahy dénonce la déshumanisation de notre monde face aux crises sociales et politiques majeures. Et Julia Bernat, à nouveau, se donne toute entière et au présent. Jatahy continue aussi de questionner notre position de voyeur et de spectateur inactif. Tout en nous manipulant et en nous observant à notre insu, elle tend un miroir à chacun de nous, et on en sort avec un sentiment de malaise.
Quelques réserves
On peut regretter une forme de simplicité politique excessive dans le traitement du sujet, cœur de la performance et qui, couplée avec le dispositif, nous laisse repartir seuls et sans solutions. On s’attend à ce que Jatahy creuse le propos.
La pièce subit aussi des problèmes de rythme, risque inhérent dès que le texte est confié à des amateurs parmi le public…
Encore un mot...
Ses précédents spectacles m’avaient bouleversée par leur ingéniosité scénographique et théâtrale; je ressors un peu déçue de ce dernier volet. Cependant l’expérience reste à vivre, et l’on attend avec impatience son adaptation du film de Renoir, « La règle du jeu », à la Comédie-Française en janvier 2017…
Il faut saluer le travail de Julia Bernat, qui est aussi en ce moment à l’affiche d’Aquarius de Kleber Mendonça Filho (Compétition officielle à Cannes cette année). Un très beau film et lumineux portrait de femme.
Une phrase
Macbeth : "Que chaque soldat coupe une branche d’arbre et la porte devant lui : par-là nous dissimulerons à l’ennemi notre force, et tromperons ceux qu’il enverra à la découverte."
L'auteur
Dramaturge, cinéaste, metteure en scène et actrice brésilienne, Christiane Jatahy, avec sa compagnie Vértice (sommet) de Teatro, installe des mises en scènes de théâtre en dehors des théâtres, imaginant des dispositifs originaux qui questionnent le rapport entre l’acteur et le public. Son processus mélange cinéma, vidéo et théâtre. Elle est artiste associée au CENTQUATRE à Paris.
Ajouter un commentaire