Figaro divorce

Une pièce très dense, une mise en scène audacieuse et percutante
De
Ödön von Horváth
Mise en scène
Christophe Rauck
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Le Monfort Théâtre
106 rue Brancion
75015
Paris
01.56.08.33.88
ATTENTION: dernière, le 11 juin: mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Et vendredi 10 juin à 18h30.

Thème

La pièce commence peu après la fin du Mariage de Figaro. La Révolution, une révolution, vient d'avoir lieu, le roi est mort, les nobles fuient le pays. Nous retrouvons alors Figaro et sa femme Suzanne qui accompagnent leurs maîtres, le comte et la comtesse Almaviva, dans leur exil. Au bout de quelques temps, Figaro décide de quitter le comte et la comtesse et de tenir un salon de coiffure avec Suzanne. Ces changements de vie ont un impact fort sur chacun des personnages et sur les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres.

Attention, l'auteur a situé volontairement la pièce dans les années 30 pour rappeler l'intemporalité et l'actualité des problèmes liés à une révolution et à l'exil. Je pense d'ailleurs, qu'Horváth aurait tenu le même raisonnement s'il avait vécu au XXIème siècle, tant ces problématiques, toujours d'actualité, résonnent fortement en nous, même si elles sont sans doute plus éloignées de notre quotidien. Quelques décennies après, le propos reste très juste.

Points forts

- J'ai eu un coup de cœur pour la mise en scène de cette pièce qui fait appel à des domaines artistiques variés : la vidéo, la musique, le chant, les jeux de lumières sans oublier évidemment un jeu d'acteurs très riche. Si certains choix peuvent surprendre de prime abord, notamment l'utilisation de la vidéo comme un spectacle dans le spectacle, ils se révèlent finalement très pertinents et utilisés avec une grande justesse. Ils viennent ainsi faire écho au texte très fort, et même intense.

- Le texte, il faut en parler. J'ai découvert un auteur que je ne connaissais pas, aux réflexions passionnantes. C'est un texte très dense, très travaillé et à travers les trajectoires de chacun des personnages, Ödön von Horváth aborde de nombreux thèmes tous aussi importants et intéressants les uns que les autres. Alors, évidemment, il faut parfois un peu s'accrocher pour suivre, mais le jeu en vaut la chandelle. 

- Il y a par exemple une vraie réflexion sur la liberté versus l'asservissement . N'est-on pas toujours l'esclave de quelqu'un ou de quelque chose ? Figaro quitte son maître en pensant y gagner la liberté, mais devenu son propre patron, il est soumis à la pression du travail, à la peur de voir son salon de coiffure péricliter et il y perd sa légèreté, son enthousiasme et son esprit libre. Il y perd même sa femme qui ne reconnaît plus l'homme qu'elle a épousé et qui voudrait le voir choisir son couple et sa famille en lieu et place de son salon et de ses clients.

- De même, les personnages et leurs trajectoires parallèles ou au contraire inversées, sont passionnants à observer. Les places et statuts bien définis du début de la pièce évoluent et s'entrecroisent de manière très intéressante.

 - Enfin, c'est un détail mineur mais un peu comme une cerise sur le gâteau, le théâtre se situe dans la verdure et dispose d'une terrasse extérieure très agréable. Je ne peux que vous recommander d'arriver suffisamment tôt pour prendre le temps d'un dîner sur le pouce dans un cadre reposant, avant de se plonger dans la pièce.

Quelques réserves

- La pièce est un peu trop longue à mon goût. 2h15 d'un texte très dense et sans entracte, on perd parfois un peu le fil. 

- La fin m'a laissée un peu perplexe, voir un peu perdue...mais c'est peut-être bien là l'intention de l'auteur !

- Le plateau comme la salle sont très grands ce qui rend parfois l'audition difficile, d'autant que les comédiens ne sont pas toujours face au public quand ils jouent, c'est dommage. La solution est peut être de trouver une place plus près de la scène puisque le placement est libre...

Encore un mot...

Une pièce très dense, aux réflexions passionnantes servies par une mise en scène moderne et peu banale! 

L'auteur

Ödön von Horváth est un des grands dramaturges du XXème siècle. Né en 1901 en Croatie, il voyage dans tout l'empire austro hongrois au gré des affectations de son père, diplomate. 

Il est l'auteur d'une vingtaine de pièces de théâtre dans lesquelles il s'intéresse et s'attaque à la société de son époque et notamment à la petite bourgeoisie des années 20-30.

Considéré comme un auteur dégénéré par le régime nazi, il est contraint de fuir l'Allemagne vers 1936. Il meurt en 1938, victime d'une branche de platane arrachée par une tempête en sortant du Théâtre Marigny, et avant d'avoir pu rejoindre les États Unis comme il le projetait.

Il écrit Figaro divorce en 1936. la pièce est jouée pour la première fois à Prague en 1937.

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