Exil intérieur
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Thème
- Lise Meitner, jeune physicienne autrichienne, accueille dans leur laboratoire de Berlin - le Wilhelm Kaiser Institut - son ami et collègue le chimiste Otto Hahn de retour de la guerre.
- Ils reprennent leurs travaux sur l’uranium, avec passion, évoquant la grande figure de Marie Curie, et les réactions en chaîne produites par le bombardement d’un noyau d’uranium par un neutron. Ils vivent l’un comme l’autre dans ce laboratoire comme dans un abri, mais sont rattrapés par le bruit du monde.
- En 1933, le neveu de Lise quitte l’Allemagne, ce que sa tante refuse de faire, convaincue qu’elle est protégée par sa nationalité autrichienne et incapable d’abandonner son laboratoire et sa recherche qui sont « toute sa vie ». Or elle est juive et, bientôt menacée par la politique du IIIe Reich, doit se résoudre à se réfugier en Suède où elle poursuit ses travaux, « sans étudiants et sans laboratoire ».
- C’est là que, maintenant ses liens avec Otto Hahn, elle fait une découverte décisive pour l’avenir de l’humanité.
Points forts
- Le décor sombre composé de panneaux mobiles et de meubles roulants sert une mise en scène ingénieuse, un peu excessivement compliquée parfois, mais magnifiée par un éclairage dramatique et une bande sonore évocatrice. L’usage bref de la vidéo est tout à fait bienvenu et justifié.
- L’intensité d’une actrice mise au service de son propre texte, c’est beau.
Quelques réserves
On peut regretter un peu de profération figée au départ, puis la parole gagne en fluidité.
Encore un mot...
- Ce spectacle aborde beaucoup de sujets importants : la responsabilité des scientifiques dans la mise en œuvre militaire de leurs découvertes d’une part - du gaz moutarde à la fission nucléaire - mais aussi leurs responsabilités citoyennes dans le monde.
- Comment défendre, qu’il soit sincère ou non, « l’exil intérieur » d’Heisenberg face à l’extermination de millions de gens ? Les effets de l’antisémitisme et des persécutions nazies sur la recherche scientifique, mais aussi la concurrence et la spoliation ordinaire dans le domaine de la recherche, sont aussi au cœur de ce riche texte, sans oublier la part faite à l’amitié indéfectible.
- Il est question aussi de la difficile position des femmes dans le monde scientifique : l’escamotage de ce prix Nobel en 1944 est emblématique de la situation des femmes autant qu’il est révélateur du contexte politique. Mais il ne faut pas oublier que les plus grands physiciens (Einstein, Fermi, Joliot-Curie) de l’époque reconnaissaient le génie de Lise Meitner, et tous savaient sa part dans la découverte de la fission nucléaire.
- Le grand centre de physique nucléaire en Allemagne s’appelle aujourd’hui le Hahn-Meitner Institut, hommage posthume à ces 40 ans de complicité / rivalité scientifiques.
Une phrase
« Une femme ne peut pas plus qu’un homme perdre son temps et son énergie à ce qui n’est pas l’essentiel. »
« Vous tous avez travaillé pour l'Allemagne nazie. Vous avez essayé d'offrir une résistance uniquement passive. Sans doute pour acheter votre conscience, vous avez aidé ici et là une personne persécutée, mais des millions d'êtres humains innocents ont été assassinés sans qu'aucune sorte de protestation n'ait été émise … »
L'auteur
- Elisabeth Bouchaud est une personnalité rare : physicienne ayant dirigé le service de physique des surfaces au CEA-Saclay, puis l’enseignement à l’Ecole supérieure de physique et de chimie de industrielles de la ville de Paris, elle est aussi actrice et dramaturge, et c’est à elle que le théâtre de La Reine Blanche, qu’elle dirige depuis 2015, doit d’être devenu une "scène des arts et des sciences".
- Elle a écrit onze pièces et joué dans ses propres œuvres : elle est la Lou de Puzzle, mis en scène par Serge Dangleterre, et la Marie Curie du Paradoxe des jumeaux, mis en scène par Bernadette Le Saché, deux pièces créées à La Reine Blanche en 2017.
- Depuis cet automne, le théâtre fait monter sur scène d’autres personnalités de l’histoire des sciences : Alain Turing, le père de l’informatique ; Lise Meitner qui a découvert la fissions nucléaire, et Jocelyn Bell Burnell, « la grande dame des petites étoiles », créant une série à épisodes qui, sous le titre générique “Flammes de science“ durera jusqu’au 5 février 2023.
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