Et si c’étaient eux ?
Et ce sera nous…
De
Christophe Montenez et Jules Sagot
Mise en scène
Christophe Montenez et Jules Sagot
Avec
Alain Lenglet, Florence Viala, Laurent Stocker, Julie Sicard, Sébastien Pouderoux, Elissa Alloula, Clément Bresson, Dominique Parent
Notre recommandation
5/5
Infos & réservation
Comédie française - Le Vieux Colombier
21 rue du Vieux colombier
75006
Paris
Jusqu’au 5 novembre. Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h
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Thème
- Et si c’étaient eux, jeu télévisé diffusé en replay sur impot.gouv et abondamment affligé de jingles tonitruants, d’éclairages agressifs et de formules clinquantes, accueille en troisième semaine six représentants de la Maison de retraite pour artistes de Ponts-aux-Dames, établissement privé “non lucratif“, venus concourir pour gagner la pérennisation de subsides menacés.
- L’animateur Alban Vauqueur, à la mèche blonde et « vivante » et au costume scintillant, ainsi que son assistante Lisa Oullala ont déjà reçu des hôtes de la Ménardière, maison de retraite pour comiques et ceux de l’hospice du Soleil qui accueille les retraités de la cartoucherie de Vincennes.
- Les participants au jeu doivent remporter différentes épreuves censées témoigner de leur talent de comédien et de leur solidarité, damnant le pion aux équipes précédentes pour recueillir les votes des téléspectateurs, sollicités ici en tant que « contribuables ».
Points forts
- La virtuosité au service de l’émotion : la prouesse corporelle et plastique réalisée de concert par la maquilleuse (mention spéciale pour Cécile Kretschmar) et les comédiens est fascinante. Ces comédiens vieillis ne sont pas que des caricatures physiques d’eux-mêmes, ils donnent une réalité incarnée et sensible à la fragilité de ces vieux parfois contraints pour vivre encore de devenir « des carnes qui ne lâchent rien. »
- La scène finale de Cyrano, lancée par erreur et que jouent ces deux comédiens croulants mais habités, est d’une rare intensité. La mort annoncée et vécue de Cyrano, qui affirme avoir « tout raté, même sa mort », enchâssée dans le pathétique du sort des vieux comédiens est le miroir de leur propre trépas imminent, mais aussi du panache qu’ils essaient de maintenir. Car le théâtre, auquel ils ont donné leur vie, reste au cœur de leurs existences.
- L’éclairage accompagne superbement cette interrogation théâtrale existentielle.
Quelques réserves
La scène de la chanson de Francine est certes saisissante et arrive à point pour contredire le rythme haletant de la télévision, mais on peut la juger un peu longue.
Encore un mot...
- Toute l’excellence de la Comédie française est mise au service d’une tragédie burlesque, ou « farce pathétique », comme le disent les auteurs. La question - qui est aussi le titre de l’émission et celui de la pièce - rappelle qu’il ne s’agit pas seulement “d’eux“, mais que ce sera nous, un jour. Non pas les gagnants chanceux d’un jeu indécent, mais des perdants à la mémoire vacillante, à l’équilibre instable, aux organes défaillants sous une peau parcheminée. Et que l’indigence à laquelle nous condamnons nos anciens devenus dépendants, dans « tous ces purgatoires que l’on crée », ne sont pas dignes d’une société humaine. Avec les menaces qui pèsent sur l’utopie sociale qu’a été la création par Coquelin en 1905 de cet hospice quasiment autarcique et largement autogéré, c’est tout un versant du projet humaniste et démocratique des sociétés contemporaines qui vacille.
- La pièce nous convie en outre à regarder en face cette défaite quotidienne qu’est la vieillesse et à en sourire et en rire. Car le théâtre continue, malgré l’imminence de la mort. Et la vie aussi, collective et fraternelle, même à la fin, lorsqu’inutile et embarrassant on ne peut plus prétendre à rien d’autre qu’à avoir été. Alors se posent d’autres questions : cela valait-il le coup de consacrer sa vie à l’excellence dramatique ? Cela vaut-il le coup de venir défendre le théâtre et sa propre survie sur un vulgaire plateau de télévision au risque de sa dignité ? Et, pour finir : « Est-ce qu’on s’est bien tout dit ? »
Une phrase
« Le présent devrait réfléchir davantage au passé qu’il sera. »
« C’est pas parce que la mort approche que je suis en train de finir mes jours les uns après les autres. »
L'auteur
- Comédiens trentenaires, Christophe Montenez et Jules Sagot ont joué et continuent de jouer tous les deux pour le cinéma et la télévision et, bien sûr, le théâtre.
- Ils ont fondé en 2013 le collectif Les Bâtards dorés, et ont présenté depuis trois créations, dont Méduse qui a été primée par le jury et le public au Festival Impatience en 2017.
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