En attendant Godot

1 Une magnifique pièce en équilibre entre comique et tragédie. Dans un univers sans racines où chaque geste et chaque pensée sontt sujet à caution et les souvenirs de la veille incertains, le tandem vagabonds-clowns, tellement émouvants, évolue entre silences et échanges rapides. Sobre et fascinant langage pour parler du temps et de la misère humaine. L'incursion de Pozzo et Lucky dans l'univers de Vladimir et Estragon, le premier tenant en laisse son serviteur comme une bête de cirque, crée un malaise que rien ni personne ne parviendra à alléger. 

2 Quatre acteurs saisissants d'humanité pour une interprétation aussi forte que lisible. Vladimir et Estragon rivalisent de drôlerie, chacun dans son registre. Ils se chamaillent et sont attendrissants parce qu'ils sont vulnérables et perdus, définitivement liés l'un à l'autre pour pouvoir résister. A l'opposé, Pozzo et Lucky mettent brillamment en scène le duo infernal du maître et de l'esclave évoluant dans un rapport d'hyper violence, sans échappatoire. 

3 L'arbre mort, seul au centre de la scène dans une sorte de désert, est le point focal de la pièce sur un fond de ciel. On n'est nulle part. 

4 La modernité de cette oeuvre saute encore plus aux yeux  dans la mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Qui sont ces personnages sinon des hommes égarés dans un monde où la violence a le dessus sur la pensée, dans lequel aucune référence solide ni transcendance n'apporte de solution viable ? Pourtant envers et contre tout, unis et maniant l'humour, ils espèrent!