Dialogues d'exilés
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Thème
"Dialogues d’exilés" réunit deux personnages, Kalle, un ouvrier, et Ziffel, un physicien, dans un lieu indéterminé, mi-buffet de gare, mi-cabaret : là, autour de chopes de bière (nombreuses !), ils échangent des « brèves de comptoir » où il est question de philosophie, des vertus de l’ordre, de l’éducation, mais derrière toutes ces élucubrations, le vrai sujet est la condition d’exilé et sa cause honnie : celui qu’ils nomment « Comment s’appelle t-il donc, au juste ? ». La pièce est constituée de saynètes sans rapport direct entre elles, un système narratif propre à Brecht, où l’anecdote et l’épique empêchent toute dramatisation, tout larmoiement…
La bière aidant, les échanges deviennent de plus en plus « décalés », « décoiffants », pourrait-on dire, mais toujours propres à toucher le cœur.
Points forts
- Un grand coup de chapeau à Olivier Mellor qui joue le personnage de Ziffel, mais qui assure également une mise en scène d’une grande originalité. En effet, sont présents dans ce lieu quatre musiciens qui prennent part à ce qui se déroule, non seulement par la musique (quasi permanente) mais aussi par de ponctuelles interventions, commentaires et autres moqueries, comme au Café du Commerce !
- Les deux comédiens principaux affichent de multiples talents : danseurs et un peu acrobates, ils sont aussi musiciens, se saisissant de temps à autre de tel ou tel instrument, mais ils nous surprennent surtout par leur talent de chanteurs. Ainsi, comme pour illustrer leurs propos, les voilà qui entonnent ça et là des chansons engagées d’auteurs aussi divers que Kurt Weill, Léo Ferré, Bernard Dimey ou Jean Yanne…On est interpellé, on est surtout très ému.
- Pas seulement en raison de l’exiguïté de la salle, il y a une grande proximité entre le public et les acteurs : ceux-ci vous regardent droit dans les yeux, comme s’ils attendaient une réaction de votre part, ou vous offrent un verre, puisque nous sommes tous dans le même troquet!
Quelques réserves
La salle est très intime, puisque toute petite, mais elle est un peu périlleuse d’accès et certainement pas adaptée aux claustrophobes… Pourquoi pas une salle plus grande ? Elle serait facilement remplie !
Encore un mot...
Un Bretch de gala !
Une phrase
Deux allusions, subtilement humoristiques:
- A la condition d’exilé: « Quel beau pays nous aurions, si nous l’avions… »
- Et à celle des « petites gens » : « l’homme est bon, mais le veau est meilleur ».
L'auteur
Bertolt Brecht nait en 1998 dans l’« Empire allemand » et meurt en 1956 en RDA… Ce cheminement "géographique" est à l’image de son parcours de dramaturge engagé. D’origine bourgeoise, fils de père catholique et de mère protestante, Brecht commence à écrire dès l’âge de 16 ans, fasciné par le théâtre de Frank Wedekind. Mobilisé comme infirmier en 1918, il fera de l’horreur de la guerre l’un des thèmes centraux de son œuvre. Après la guerre, il s’installe à Berlin, où il rencontre le dessinateur George Grosz, le compositeur Kurt Weill et le philosophe Walter Benjamin. En 1933, ses premières pièces, Tambours dans la nuit, Baal et Dans la jungle des villes lui vaudront le prix Kleist. Son théâtre résolument opposé à la montée du national-socialisme sera très vite interdit par le régime en place. Brecht épouse l’actrice Hélène Weigel et devient marxiste. L’arrivée au pouvoir des nazis force le couple à quitter l’Allemagne et à s’installer d’abord au Danemark, puis à Paris, en Suède, en Finlande et enfin en Californie en 1941.C’est là qu’il écrit une grande partie de son œuvre dramatique, notamment La Vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Bonne âme du Se-Tchouan, La Résistible ascension d’Arturo Ui (qui fustige Hitler), Le Cercle de craie caucasien. A Hollywood, il écrit le scénario du film anti-naziLes Bourreaux meurent aussi, qui sera réalisé par Fritz Lang.
Chassé des Etats-Unis par le maccarthysme, Brecht s’installe finalement à Berlin-Est où il fonde avec sa femme son théâtre, le Berliner Ensemble, qui entretient des relations contradictoires avec le régime est-allemand (ses œuvres seront supprimées des ouvrages destinés à l’enseignement secondaire). En tournées à Paris avec son théâtre en 1954 et 1955, il remporte un grand succès avecMère Courage et Le cercle de craie caucasien.
La vie de Brecht est une vie d’exilé : déchu de la nationalité allemande en 1935, il n’obtient la nationalité autrichienne qu’en 1950… Les exilés, les rejetés, les exclus, les « petites gens » sont les personnages de son théâtre.
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