DEUX MAINS, LA LIBERTE
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Thème
- Le docteur Felix Kersten est un simple médecin, dont la thérapie manuelle fait merveille. Il est bientôt recommandé au Reichsführer-SS, maitre absolu de la SS et ministre de l’Intérieur du IIème Reich : Heinrich Himmler.
- Kersen, Estonien, naturalisé finlandais, hollandais par sa mère et allemand par son père, est chargé de soulager les souffrances par des massages à l’artisan du Mal sous le IIIe Reich. Placé dans l’impossibilité de refuser et se disant apolitique, il proposera à Himmler le sauvetage de vies humaines plutôt qu’une rétribution en numéraire.
- Dès lors, « sauver une vie deux vies, des vies » sera le credo de ce héros peu connu, qui sauvera plus d’une centaine de milliers de personnes, en exploitant l’infime part d’humanité qui réside dans le bourreau en chef de l’Allemagne nazie. C’est l’histoire d’une amitié vénéneuse pour l’un, de l’illusion d’une rédemption pour l’autre. Un dilemme prenant.
Points forts
- L’originalité du sujet, qui étonne et questionne sur la notion d’humanité, et s’il est malaisé de savoir si « L’homme est bon ou méchant ? », que dire quand il s’agit de cerner la part d’humanité résiduelle chez certains personnages historiques aux agissements des plus funestes...
- Le texte est extrêmement bien écrit, évitant tous les clichés qu’induiraient les caractères des personnages. Même si l’intrigue est linéaire et n’offre pas un suspense ébouriffant, on voit se mettre en place une parade profondément humaine et courageuse à un système ô combien machiavélique et mortifère.
- L’auteur réussit même à placer certaines séquences humoristiques dans un univers qui ne s’y prêteraient guère mais il le fait avec tact et finesse.
- L’interprétation remarquable des trois comédiens qui campent avec justesse sans caricature ni manichéisme les protagonistes de cette histoire invraisemblable. Antoine Nouel incarne avec une retenue et une maîtrise parfaite des silences qui laisse respirer un texte intelligent et concis. Philippe Bozo est un Himmler très dérangeant par son ambivalence, et dont au passage la transformation physique est saisissante. Franck Lorrain transcrit avec retenue les atermoiements d’une soldatesque consciente mais bridée dans ces engagements.
- Au total, on assiste à une très belle représentation de bonne facture, dont le décor, le travail sur la lumière et la direction d’acteurs sont impeccables. L’intrigue surprenante et la dramaturgie fonctionne à plein. Le spectateur peut être satisfait.
Quelques réserves
- On ne perçoit pas toujours bien les réalités et l’évolution d’une guerre dont Himmler, fut l’un des principaux maîtres es-tuerie de masse.
- Si l’on comprend le propos universel de l’auteur qui exalte qu’au fond, de l’être le plus malfaisant, l’humanité peut se réveiller, on perd cependant en cours de route un peu la nature profonde de celui qui prit la tête de l’appareil de terreur puis d’extermination installé par le régime nazi, et diffusé dans toute l’Europe à la faveur de la Seconde Guerre mondiale. Certes son retournement vers la fin de la guerre pourrait lui servir d’excuse mais est-ce bien suffisant … ?
Encore un mot...
- Si Félix Kirsten est indiscutablement un héros on ne peut plus émérite, ce qu’avait déjà soutenu J. Kessel dans Les mains du miracle, et que confirmèrent les études menées par divers historiens spécialistes de la période, on est bousculé par le portrait brossé du personnage de cet Himmler, que Kersten a côtoyé de très près et durant toute la guerre. Certes, on n’a guère d’empathie pour le “monstre“, mais on est un peu en reste sur les ambigüités qui conduisent les trois personnages dans leurs comportements. Il serait angélique de penser qu’Himmler, surtout à partir du moment où la guerre change de cours, ne recherche pas des leviers, des garanties voire des issues de secours, ni que la Wehrmacht serait hostile ou hors de cause dans les exactions du IIIe Reich conquérant puis déclinant.
- Voilà en tout cas un spectacle à polémique(s), qui remuera certainement les consciences et qui vaut la peine qu’on s’y déplace pour se faire une opinion. Le théâtre est aussi en charge de cela.
Une phrase
KERSTEN : « J’avais une conscience avant de prendre conscience.(…) Aujourd’hui je pense que l’on devient plus homme en travaillant à ce que le monde soit plus humain.
HIMMLER : Vous avez lu ce qui est écrit sur mon ceinturon ?
KERSTEN : Oui je sais : “Mon honneur s’appelle fidélité“. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Changez de ceinturon !
[...]
WALTER : Félix Kersten essayait encore une fois, d’ouvrir les portes de l’enfer pour laisser s’échapper le plus de malheureux possible. Jamais le verbe « obtenir » n’aura été autant et si bien conjugué au passé, au présent et au futur. »
L'auteur
- Comédien, directeur artistique de doublage, Antoine Nouel a été formé chez Jean-Laurent Cochet, pour lequel il a gardé une grande admiration et des principes de jeu qui forment la base de son talent.
- On a pu le voir aux côtés de Jean-Paul Belmondo, Michel Galabru, Olivier Lejeune. « Deux mains la liberté » est sa première œuvre théâtrale en qualité d’auteur.
NDLR : A lire également, la chronique du livre de François Kesaudy, La liste de Kersten, un juste parmi les démons
Commentaires
J'ai vu cette pièce tirée d'une histoire incroyable et pourtant véridique. J'ai passé une soirée mémorable à regarder chaque interprète dans leur situation à la fois sordide d'Himmler et la retenue du docteur Félix Kirsten. Quant au secrétaire de Himmler, il tiens bien son rôle. S'il y a une pièce de théâtre à voir, c'est bien Deux mains la liberté...
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