Des Souris et des Hommes
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Thème
Californie des années 1930: des hommes vont de ranch en ranch chercher du travail.
Points forts
Cette adaptation constitue une admirable illustration de l'univers agraire steinbeckien:
1 L'univers du Prix Nobel 1962 de littérature est univers de rapports de force. Un univers complexe et le plus souvent silencieux où des hommes, dépossédés de toute vie personnelle, acceptent d'être, pour quelques dollars, réduits à l'état de bêtes de somme.
Solitude et passivité, tempérées de bordel et de parties de poker, où les rêves d'une autre vie, dans un ranch à soi ou ailleurs, sont le plus souvent réduits à l'état de fantasmes. Vie figée où il n'y a que la vieillesse ou la mort pour apporter un changement.
2 Rapports de force, soumission et solitude viscérale: "Des types comme nous dans les ranchs, il n'y a pas plus seuls au monde". Un vrai dialogue est un luxe, le plus souvent hors de portée. Alors, on se raccroche à ce qu'on peut: "L'important, c'est de parler, c'est d'être avec quelqu'un".
3 D'où la singularité de l'histoire entre ces deux amis, George et Lennie, qui font errance commune, George protégeant Lennie, ce grand enfant, simple d'esprit, assoiffé d'amour à donner autant qu'à recevoir mais qui, à travers sa force herculéenne, ne peut offrir qu'une tendresse de mort.
4 Philippe Ivancic est tellement vrai dans le rôle de Lennie - ses gestes, ses regards, ses intonations, sa manière de caresser les souris et les chiens -, qu'il amène tout naturellement, petit à petit, le spectateur, d'une perspective sociologique première à ce qui fait la grandeur la grandeur de l'oeuvre de Steinbeck: l'expression pathétique d'une sénilité douce, exprimée de l'intérieur.
Quelques réserves
Un seul, à mon sens: la scène avec le boy noir,"le nègre qui a le dos cassé", est assez caricaturale, et non exempte de clichés.
Encore un mot...
Ici, l'humanisme prend le pas sur l'histoire ou la politique. Longtemps poil à gratter de l'american way of life, Steinbeck nous conduit au-delà. A travers cette histoire d'amitié, où la peur de la solitude est presque aussi importante que l'attachement à l'autre, il nous place, de manière abrupte, face à une interrogation angoissante sur la fatalité.
Comme tous les grands textes, ou presque, celui-ci nous offre des moments de vie extraordinaires, entre les mots, à côté des mots, dans une sorte de communion, de compassion viscérale. Cum-patein: souffrir avec. En écrivant cette chronique, j'entends encore Lennie crier: "Je dirai rien, George !", "Je voulais pas, George !"
Un grand texte, une mise en scène au cordeau, une interprétation collective, si humaine et si sobre en même temps: du grand théâtre, point.
L'auteur
Cette présentation "Des Souris et des Hommes", adaptation théâtrale du roman de Steinbeck, mise en scène et interprétée par Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic, est le fruit d'un petit miracle: monté, dans un quasi anonymat, en 2002, ce spectacle a trouvé immédiatement son public, au point de faire l'objet de trois tournées en France et de trois reprises à Paris ! Puissance et magie du bouche à oreille. Non, la culture n'est pas morte !
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