D'APRÈS EUGÈNE ONÉGUINE
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Thème
Hiver 1819 : Eugène Onéguine, jeune aristocrate, mène une existence mondaine et dissolue mais pleine d’ennui à Moscou. Héritant de son oncle, il se retire sur ses terres à la campagne où après deux jours d’euphorie devant les beautés de la nature, il retrouve intact son ennui. Heureusement il se lie avec un jeune voisin un peu poète, Vladimir Lenski, qui l’introduit dans le cercle de l’aristocratie locale et lui présente sa fiancée, Olga Larina. Sans le vouloir, Onéguine séduit la sœur aînée d’Olga, Tatiana, qui lui écrit pour lui avouer son amour. Embarrassé le jeune homme décline son offre et sermonne la jeune fille lui exposant l’imprudence de cette démarche sans pudeur. Invité quelques temps plus tard, à l’anniversaire de Tatiana, Onéguine s’y ennuie tant qu’il entreprend de séduire Olga. Ulcéré, Vladimir quitte la soirée et résout de provoquer Eugène en duel. Au petit matin, les deux amis se battent au pistolet et Onéguine tue Lenski. Dévasté par le remord et le regret, il quitte ses terres, se met à courir la terre.
Quelques années plus tard il retrouve Tatiana au cours d’une soirée mondaine, mariée à un prince. Onéguine en tombe éperdument amoureux et finit par lui avouer sa passion. Emue mais ferme, la jeune femme lui rappelle le passé avant de conclure sans détours que, si elle l’aime toujours, elle est mariée et restera fidèle à son mari.
Points forts
La densité et la beauté d’un texte qui, judicieusement coupé, mélange les styles et les tonalités. Tour à tour intensément poétique et familier (les adresses au lecteur sont doublées par des adresses aux spectateurs), profondément romanesque (entre roman d’apprentissage et roman d’analyse), désenchanté et léger jusqu’au sarcasme et qui conte le passage de l’adolescence à l’âge adulte et la perte des illusions.
Les chapitres du roman, déclinés en une succession des tableaux, et la multiplicité des récitants tout en respectant le rythme du récit, évitent la personnalisation d’Onéguine, type du héros romantique et « homme inutile » que Pouchkine contemple avec ironie.
Le dispositif scénique bi frontal et le clair-obscur de la flamme des bougies, tout ceci crée une véritable intimité entre les spectateurs et les acteurs rassemblés autour du récit murmuré sur le ton de la confidence.
La musique, composée par Sébastien Trouvé, à partir d’extraits de l’opéra éponyme de Piotr Tchaïkovski.
Le charme indéniable de ces très jeunes acteurs qui, plus récitants que personnages, se relaient avec vivacité pour conter ce drame cruel de la jeunesse.
Quelques réserves
Plus qu’un point faible c’est un point de discussion. On comprend fort bien l’intention : rendre la musicalité et le rythme de la langue de Pouchkine en misant sur le son, en enveloppant le spectateur dans le tissu des chuchotements, en fabriquant une sorte de prison, ou au moins de parenthèse monastique, auditive. Du reste, l’importance du bruitage vocal ou mécanique (création de certains sons, amplification d’autres) invite à voir dans ce dispositif une pièce radiophonique. Mais cela peut ne pas convaincre.
Usant de l’espace scénique avec parcimonie, les interprètes se déplacent peu. Concentrés sur leur récit, ils semblent ne savoir que faire de leur corps, trop souvent recroquevillés et ponctuant un texte qui n’a pas besoin de ces soins, d’inutiles mouvement de mains.
Encore un mot...
Un spectacle plein d’embuches et de grâce et respectable en proportion même des risques pris puisqu’il mise toute - ou presque - la théâtralité sur le son. Munis de casques, les spectateurs sont invités à écouter les récitants successifs chuchoter dans un micro et à laisser jouer leur imaginaire. Ponctué par des violons enregistrés et un piano vivant interprété, au centre du plateau, par une jeune fille (figure de Tatiana) qui ne dira mot avant la scène finale, le monologue se déploie dans sa pureté. Une expérience théâtrale d’une belle intensité qui gagnera sûrement au fil des représentations mais qui dès à présent vaut la peine qu’on se déplace.
Une phrase
« Nous savons certes qu’Onéguine / n’aimait plus guère les bouquins, / Mais une estime clandestine / lui demeurait pour quelques-uns : le Don Juan, le Pélerinage, / Et deux ou trois romans où notre âge / se reconnaît, s’y reflétant, / De ceux où l’homme de ce temps / Trouve une image assez fidèle : / Un être sans moralité, / Egocentrique, sans bonté, / Rêveur brûlant, esprit rebelle/ Pris dans le jeu de ses passions, / Aigri d’absurde agitation. »
L'auteur
Connu et aimé de tous les Russes, le roman en vers d’Alexandre Pouchkine, écrit entre 1823 et 1830 alors qu’il est en exil (il a alors 24 ans), est Le chef d’œuvre de référence de la littérature russe. Préfigurant le duel Pouchkine-d’Anthès qui causera la mort du poète, le duel Lenski-Onéguine résonne tout particulièrement. Et si le roman fut mal compris et mal aimé lors de sa publication, son auteur est considéré aujourd’hui comme le fondateur de la littérature russe moderne.
Le traducteur André Markowicz, a travaillé plus de vingt ans à la version française, tâchant de rendre le plus fidèlement possible le rythme ett de la musicalité (des fameux tétramètres iambiques) du texte original, si difficiles à suggérer dans une langue qui, comme le français, ne fait pas la différence entre syllabes brèves et syllabes longues.
Jean Bellorini, directeur du TGP depuis 2013, recompose ici le quatuor d’Un fils de notre temps pour cette création qui a comme ambition de faire dumettre le théâtre un au service du public, pour c’est-à-dire de tous.
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