"Comme une pierre qui..."
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Thème
Le point de départ du spectacle, imaginé par Marie Rémond et mis en scène par elle-même et Sébastien Pouderoux, c'est l'épilogue du livre de Marcus, consacré à la séance d'enregistrement, réalisée en 1965, de la chanson de Dylan, "Like a Rolling Stone"...
Cette chanson, Dylan l'a composée dans le contexte d'une Amérique troublée par la Guerre du Vietnam. Il n'a que 24 ans mais déjà derrière lui des tubes comme "Blowin'in the Wind" et "The Times They Are a-Changing".
1965, c'est une période de doute pour Dylan qui n'arrive plus à écrire de chansons et qui ne se reconnaît absolument pas dans son image réductrice, de chanteur contestataire.
Le texte, Dylan l'a d'abord conçu, non comme une chanson mais comme un très long poème. Il faudra 24 prises avant d'arriver à la chanson-culte que l'on connaît. Ont participé à cette séance, outre Dylan, cinq musiciens; et un producteur, Tom Wilson, qui, l'année précédente, avait produit l'énorme succès de Simon et Garfunkel, "Sound of Silence". Une autre planète...
Points forts
1 Marie Rémond et Sébastien Pouderoux ont su monter un spectacle tellement fluide qu'on pourrait croire, par moments, qu'il est improvisé. Tout semble couler de source.
2 Ce spectacle constitue un bon tremplin de réflexion sur les conditions dans lesquelles la création artistique se développe, ce qu'elle doit à la volonté, à l'intelligence, à la créativité et ce qu'elle doit aussi aux circonstances, voire au hasard.
Les musiciens rêvent, friment, souffrent, pétent les plombs, mais deux choses transcende tout cela, leur passion et leur talent.
3 La distribution est excellente. Et Sébastien Pouderoux, dans le rôle de Dylan, est tout simplement époustouflant.
Un Dylan qu'il nous montre prostré, replié sur lui-même, silencieux, habité par la quête de la perfection dans l'expression de ce qu'il ressent et veut faire passer.
Un Dylan néanmoins attentif aux autres et, surtout, violemment hostile à l'image qu'on lui colle de chanteur à messages, engagé sur les rails solides et trop faciles de la contestation.
Un Dylan que le fait de chanter libère de tout ce qu'il peut avoir en lui de profondément noué.
Pouderoux donne vraiment à Dylan "une gueule d'atmosphère".
Il est prodigieux lorsque, pendant cinq minutes, il déclame à la vitesse d'une mitraillette le texte très dur de Dylan, texte qui défile sur le fond de scène mais qu'il ne voit pas.
Quelques réserves
S'il faut pinailler, je poserai simplement la question: pourquoi ne pas avoir intitulé le spectacle, "Comme une Pierre qui Roule...", titre puissamment évocateur, et avoir choisi ce "COMME UNE PIERRE QUI...", qui ne veut rien dire ?
Encore un mot...
1 Manifestement, certains dans la troupe du Français, en particulier parmi les jeunes, se sentent un peu à l'étroit dans le répertoire traditionnel de la Grand e Maison même si celle-ci s'est considérablement "ouverte" depuis plusieurs décennies, à la fois quant aux oeuvres présentées et quant à la manière de les traiter; ce qui d'ailleurs, s'est traduit parfois par des couacs retentissants, que je n'aurai pas l'indélicatesse de rappeler aujourd'hui...Mais cette fois, l'audace a payé et ce spectacle est vraiment une réussite exceptionnelle.
2 Magie du théâtre dans ses grands moments, et c'est le cas ici, on n'est plus spectateur; petit à petit, on est happé dans la vie représentée sur scène, on éprouve en soi-même les sensations et les sentiments des personnages de la pièce. Il se produit un phénomène de dédoublement dont on sort enrichi et heureux.
Une phrase
Texte de Dylan : "Qu'est-ce que je fais sur cette route? (...) Que puis-je donner ? Que puis-je prendre ?"
L'auteur
Le livre qui a inspiré ce spectacle, "Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins", publié en 2005, a été écrit par un musicologue, grand spécialiste de la culture pop américaine, Greil Marcus.
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