Britannicus
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Thème
Point de départ de l'intrigue: le premier dérapage de Néron, qui fait arrêter Junie, descendante d'Auguste par une autre branche et protégée d'Agrippine, mère de Néron, et qui s'était engagée à favoriser son mariage avec Britannicus, véritable fils de Claude, l'empereur, père adoptif de Néron. Vous me suivez ?
Commence alors le manège des calculs sordides, dans les méandres des coeurs et des esprits, qui finiront par provoquer la mort de Britannicus.
Points forts
- En refusant de faire de Néron un hystérique, et en s'appuyant fortement sur l'utilisation de décors et de costumes contemporains, Stéphane Braunschweig réussit à montrer à quel point les joutes politiques que Racine nous offre en partage sont universelles, même si elles ne prennent pas nécessairement une telle dimension meurtrière.
- Grâce à cette vision quasi "familière" de Néron, vaniteux, calculateur, versatile mais humain, surtout dominé par le soucis de l'image qu'il peut donner de lui-même, cette version montre bien que l'enlèvement de Junie n'est pas un geste de folie meurtrière mais répond à la volonté de l'empereur de montrer au peuple de Rome que c'est lui qui gouverne et non sa mère.
- La distribution fait le travail que le metteur en scène lui demande, et Dominique Blanc, pour ses débuts à la Comédie-Française, sait profiter de l'autorité qui anime spontanément le personnage d'Agrippine.
- Mais, à mon sens, celui qui s'en sort le mieux, c'est Hervé Pierre, dans le rôle de Burrhus, le précepteur de Néron,qui se sent trahi par le changement de comportement de son maître: Hervé Pierre est le seul membre de la distribution à se "lâcher" vraiment.
Il est, ici, d'une humanité profonde, comme il l'était, de façon quasi triviale, dans le rôle du Claudius de "La tragédie d'Hamlet", et, de façon pathétique, dans celui du Pierre de"Dancefloor Memories".
Voilà vraiment un grand acteur, dont on ne souligne pas suffisamment le talent.
Quelques réserves
- Je ne suis pas nécessairement convaincu que Stéphane Braunschweig ait eu raison en essayant de nous montrer qu'Agrippine s'est toujours servi de Néron sans jamais l'aimer.
- Je suis encore moins certain qu'il ait été indispensable de nous montrer, à la fin, le cadavre de Britannicus empoisonné, d'ordinaire tenu à l'écart de nos regards.
- Surtout, surtout, cet équilibre extraordinaire qu'il y a toujours chez Racine entre une maîtrise princière de l'alexandrin, à la fois le plus simple et le plus élégant, et le réalisme presque trivial des comportements, dans toute leur complexité, n'est pas respecté ici.
Dans sa volonté de privilégier la magie de l'utilisation des mots chez Racine, Stéphane Braunschweig en arrive à éviter autant que faire se peut l'expression des troubles intérieurs qu'éprouvent, pourtant, la majorité des personnages raciniens, presque jamais tout blanc ou tout noir.
Résultat, par exemple: lors des rencontres entre Junie et Britannicus, on a plus l'impression d'écouter deux discours sur l'amour que de voir s'exprimer, dans des circonstances dramatiques, un amour passionné.
Encore un mot...
- En sortant de la Salle Richelieu, je me posais innocemment la question: Stéphane Braunschweig, qu'on a plus l'habitude de voir s'exprimer, avec excellence, dans le répertoire contemporain, n'a-t-il pas été intimidé dans ce face à face avec celui qui est probablement le plus grand auteur du théâtre français ?
En privilégiant une lecture très esthétique et "sociétale" du texte, il a, en réalité, atrophié l'expression de la puissance des passions. Il a, en quelque sorte, si je peux me permettre l'expression, "dé-Shakespearisé" Racine.
Résultat: on ne sort pas de là "secoué" comme on s'attendait à l'être. Dommage.
- Au surplus, le fait que les personnages soient très souvent assis, empêche une expression complète des corps et donne parfois à penser qu'on est plus devant une série télé qu'au théâtre.
Une phrase
- Agrippine, parlant de Néron: "Je le craindrais bientôt s'il ne me craignait plus".
- Néron, commentant la mise à l'écart d'Agrippine: "Et Rome veut un maître et non une maîtresse".
- Néron, au sujet de Britannicus: "Je sais l'art de punir un rival téméraire".
L'auteur
Quand on pense que Racine, qui avait déjà fait jouer "Andromaque" deux ans auparavant, n'avait que 30 ans, en 1667, lorsqu'il a écrit "Britannicus"! Manifestement, sa formation religieuse et littéraire dans l'univers janséniste lui avait permis d'acquérir très tôt un regard sur le monde d'une maturité exceptionnelle...
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