Berlin 33
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Thème
• Un jeune Allemand de bonne famille prussienne, libérale et humaniste, que son père destinait à une carrière sans histoire dans la magistrature, raconte en 1939, depuis son exil anglais, l’installation d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933 et la rapide nazification de l’Allemagne qui s’ensuivit.
• Ce faisant, Sebastian Haffner lançait un cri d’alarme à l’Europe entière, mais il était déjà bien trop tard...
Points forts
• Principale force de la pièce, le texte constitue un témoignage de première importance sur la multiplicité des attitudes adoptées par les Allemands face à un phénomène aussi déroutant que le totalitarisme raciste nazi.
• À l’instar de tout un peuple qui s’effondre face à la détermination et la brutalité totalitaires, Haffner lui-même passe par toutes sorte d’états, oscillant tour à tour entre mépris, stupeur, ressentiment, ivresse de l’unité et lâche consentement. Divers épisodes significatifs bousculent sa vie publique et privée, avant qu’il n’aperçoive lucidement les options qui s’offrent à lui : le suicide, le déni de réalité, l’accommodement... ou l’exil.
Quelques réserves
• René Loyon, comédien d’un âge respectable, a mis en scène avec d’autres (Laurence Campet, Olivia Kryger) ce spectacle d’une manière assez peu surprenante. Mais avec la prolifération des “seuls sur scène“, il faut être inventif de ce point de vue, pour éviter de s’embarquer dans une récitation fastidieuse à la longue, et parvenir à faire la différence avec d’autres adaptations conçues selon la même formule.
• De plus, Loyon a eu la curieuse idée d’interpréter Sebastian Haffner - âgé d’à peine trente ans en 1939 lorsqu’il se rappelle, avec ses yeux de jeune homme d’à peine 24 ans, les débuts de la nazification en Allemagne. Certes, le comédien n’était pas encore né quand Haffner assistait aux débuts de Hitler au pouvoir en 1933, mais un décalage si manifeste pose un problème d’identification : qui peut croire une seule seconde que le comédien interprète un personnage de 50 ans son cadet ? En termes d’énergie, c’est une gageure de s’approprier un texte qui devrait être dit par un tout jeune Allemand...
• De plus, la maîtrise du texte pose parfois problème : le comédien bute sur des mots, quand il ne les cherche pas, et déploie alors toutes les ficelles de son art pour masquer ces difficultés.
• Enfin, tout le monde l’a compris, Berlin 33 entend mobiliser les consciences contre « le retour de la bête immonde [au] ventre toujours fécond ». Mais, à supposer que comparaison soit raison, il y a tout lieu de mieux mettre en valeur dans le texte les continuités possibles entre les faits d’il y a presque un siècle et ceux d’aujourd’hui pour que l’avertissement soit plus percutant et par là, vraiment salutaire.
Encore un mot...
Ce soir-là, une petite dizaine de spectateurs étaient présents. Tel Sebastian Haffner en son temps, le comédien était donc bien seul face à Hitler : l’on comprit vite pourquoi, et il n’y eut pas grand monde pour le défendre...
Une phrase
« Je crois - et je demande qu’on y voie nulle outrecuidance - qu’avec l’histoire fortuite et privée de ma personne fortuite et privée, je raconte une partie importante et inconnue de l’histoire allemande et européenne. »
L'auteur
• Sebastian Haffner, d’abord jeune magistrat stagiaire à Berlin, quitte l’Allemagne en 1938 et rédige à Londres ses souvenirs l’année suivante. Le manuscrit ne fut pas publié dans l’immédiat, et Haffner revint s’établir en RFA en 1954, et y devint un journaliste réputé et un historien reconnu.
• Son manuscrit fut publié en 2000, peu de temps après sa mort, et édité en France chez Actes-Sud / Babel en 2004 sous le titre Histoire d’un Allemand. Souvenirs (1914-1933). Dans cet ouvrage, Haffner livre un témoignage absolument passionnant sur la société allemande de la Première Guerre mondiale jusqu’au début de la nazification de l’Allemagne.
• Il écrivit ensuite notamment Un certain Adolf Hitler (Grasset, 1979), Profils prussiens (Gallimard, 1983) et Churchill, un guerrier en politique (Alvik, 2002).
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