Bérénice Paysages
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Thème
Est-ce dans une chambre ou dans une loge ? Un comédien répète les tirades de Bérénice, d'abord en les marmonnant tout en procédant à sa toilette, puis à voix plus haute, et de nouveau, à voix très basse pour les derniers vers. C'est dire que le spectacle est rythmé en 3 temps au lieu des 5 actes de la pièce de Racine, et que, des quelque 1500 alexandrins originaux, il n'est offert ici que des fragments sélectionnés. Le comédien, seul en scène, incarne à lui seul le trio Bérénice, Titus, Antiochus.
Bérénice, on s'en souvient, c'est l'histoire d'un amour impossible : l'Empereur romain Titus n'ayant pas le droit d'épouser une étrangère, fût-elle reine de Palestine, renonce à l'amour pour raison d'état. La séparation reste le thème dominant de la pièce tant chez Racine que dans cette adaptation "modernisée" : "Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner".
Points forts
- Au premier abord, je n'en vois qu'un mais il est immense : le plaisir de réentendre les vers de Racine, cette inimitable musique des alexandrins bouleversants, qui le sont d'autant plus qu'ils sont ici centrés sur la douleur de la séparation.
- Un autre tout de même : avoir le courage de proposer Bérénice dans un théâtre de quartier, quand on s'attend, bien évidemment, à l'entendre à la Comédie Française.
- Un troisième enfin pour être généreux : le comédien Mathieu Montanier qui, s'il ne reprend pas tous les vers, en connaît tout de même par coeur un grand nombre...
Quelques réserves
- Premier reproche, on entend mal (même assis au 5è rang) : les vingt premières minutes étant marmonnées et les vingt dernières murmurées. C'est voulu. Mais c'est gênant et ces passages inaudibles prennent tout de même les deux tiers du temps !
- Le corps du comédien Mathieu Montanier : Le metteur en scène avoue l'avoir choisi parce qu'il est "étonnant, splendide, androgyne, mi-homme mi-femme, ni homme ni femme". On est sensé apprécier ce grand échalas tout maigre aux bras immenses qui fait un effort pour "incarner" les personnages, tant les deux hommes que la femme. Les spectateurs l'ont-ils admiré, apprécié, aimé ? On peut douter... Certes, son talent n'est pas pris en défaut, mais puisque c'est son physique qui est mis en avant, on est en droit de se sentir ou pas en harmonie avec lui.
- La mise en scène elle-même partait d'une idée pas si mauvaise : un comédien se remémore des vers. Est-ce avant ou après avoir joué ? On l'ignore. Peut-être simplement parce qu'il les aime, il se les récite pour son propre plaisir. Cependant, juché sur une table d'où il manque de tomber, on le voit se livrer à des gestes tellement quotidiens et banals (se toiletter ou se démaquiller dans une mini bassine avec un chiffon douteux, se raser les jambes, changer de T-Shirt, grignoter un vieux bout de quelque chose...) qu'on se sent loin, très loin, des personnages raciniens se débattant avec hauteur d'âme entre leur amour et leur devoir...
- Alors pourquoi avoir ajouté à Bérénice, le mot "paysages" ? Parce que, nous explique le metteur en scène, que l'on soit acteur ou spectateur, on se promène dans cette pièce comme dans un (ou même plusieurs) paysage. Voilà donc une randonnée où l'on ne sait jamais ce que l'on va trouver au bout de la rue ou du chemin !
Encore un mot...
Racine vaut toujours le déplacement...mais, s'il n'est pas ici maltraité puisque ses vers sont respectés, du moins en partie, il est tout de même tellement "décalé" qu'on peine à ressentir l'émotion des sentiments qu'il a voulu exposer.
Une phrase
Propos du metteur en scène : "Cette pièce est pour moi la plus grande pièce de Racine qui est l'un des plus grands poètes pour la scène".
L'auteur
- Bérénice est la cinquième des tragédies de Racine, représentée pour la première fois en novembre 1670, avec la Champmeslé dans le rôle titre. C'est la pièce qui fut choisie pour inaugurer le tout nouveau théâtre La Comédie Française. Plus tard, au fil des ans, elle fut plusieurs fois rejouée, notamment avec Talma. Sainte-Beuve rappelle, avec un peu de méchanceté, que lorsqu'elle ne fait pas pleurer, cette pièce fait bailler... mais qu'elle offre un intérêt historique si on la replace dans le contexte de la cour et de la vie de Louis XIV. Aujourd'hui, elle compte parmi les tragédies les plus jouées avec Phèdre, Andromaque et Britannicus.
- Le metteur en scène Frédéric Fisbach a reçu une formation de comédien au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris. Il a créé sa première pièce en 1992 au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis( 93) puis a fondé sa compagnie l'Ensemble Atopique qui présente des spectacles mêlant danse, théâtre, arts visuels et musique. Après un séjour au Japon, il reprend l'Ensemble Atopique II , soutenu notamment par la région PACA. En 2018, il a mis en scène et interprété Et Dieu ne pesait pas lourd... de Dieudonné Niangouna.
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