Barbara, mémoires interrompus
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Thème
Une femme, mais pas n’importe laquelle, raconte son histoire : ses rêves d’enfant (être la plus grande pianiste du monde, avoir un piano noir, un chien, des souliers vernis), sa mère distante et si peu tendre, la guerre et l’exode, l'inceste, son amour du Zan, l’ennui de l’école, l’huissier et les créanciers qui poursuivent ses parents, St Marcellin, Roanne, son amour pour sa grand-mère, Bruxelles, la faim à Bruxelles et la tentation de la prostitution, Charles qu’elle ne suit pas à Paris, la Chrysler de Monsieur Victor, ses transes de tricoteuse, la chicorée, Nantes où elle arrive trop tard un jour de 1959 pour dire à son père qu’elle lui a pardonné.
Mais elle raconte aussi les moments de joie, le « trajet que font les mots dans le corps » et « la folie de chanter ! »
Tout ceci qui date d’avant le succès, la gloire et le public, avant de devenir « une des plus grandes artistes françaises. »
Points forts
Le texte est d’une poésie intense, d’une énergie qui donne envie de vivre, absolument exempt de plainte et de misérabilisme, souvent malicieux, parfois franchement drôle (les emmanchures ratées...).
L’évocation de l’inceste est exemplaire : jamais nommé, jamais décrit, mais pourtant là, douloureux sans pesanteur autre que celle de l’événement, qui rappelle que « les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire » et que longtemps leur minorité fit que les gendarmes qui recevaient leur dénonciation, les renvoyaient chez eux.
La scénographie, le jeu délicat des lumières, les brefs changement d’accessoires sont accompagnés par une version musicale des chansons qui conspire à la beauté de ce voyage.
Quelques réserves
Le ton excessivement expressionniste des vingt premières minutes, pendant lesquelles Barbara dit la puissance de son rêve de devenir chanteuse, peut rebuter. En effet, Catherine Piétri parle fort, grimace énormément et articule à l’excès ce qui, dans un premier temps et malgré l’indéniable ressemblance de la comédienne avec la chanteuse, annule toute émotion : on ne retrouve pas l’élégante fluidité de Barbara dans cette abondance sonore et gestuelle presque brutale.
Et puis le spectacle trouve son rythme, le spectateur sa place et la grâce advient.
Encore un mot...
Il est doux d’entendre ces mots écrits par une chanteuse qui ne les chanta pas et qui rappellent à quel point Barbara, était une plume, une autrice autant qu’« une femme qui chante » comme elle aimait à le dire.
Nombre des évocations de ce spectacle renvoient à une chanson : Nantes évidemment, mais aussi Rémusat, dédié à sa mère, Mon enfance, Göttingen, La Solitude, Perlimpinpin, etc. Et c’est un plaisir presque déchirant tant il est tissé du manque qui saisit le spectateur.
Une phrase
« Lorsqu’on est la plus grande pianiste du monde, on ne met pas le couvert. »
« J’ai vingt ans, je vis en Belgique, j’auditionne dans des petites boîtes. Un soir, sans l’avoir prémédité, je sors de la ville. Je marche. Je suis vêtue d’une salopette verte, chaussée de grosses bottes lourdes ; c’est là toute ma richesse. Je n’ai plus de papiers, je les ai abandonnés dans un hôtel que je ne pouvais plus régler. Je n’ai plus rien. Je veux rentrer en France. Je marche depuis plus d’une heure. Je n’ai pas entendu venir la Chrysler noire de monsieur Victor qui s’est arrêtée à ma hauteur. Il me demande où je vais. Quand je lui annonce que je vais à Paris, il me propose de m’emmener. »
« Chacun de nous devrait hériter d’un bout de jardin, ou à tout le moins d’un arbre. »
L'auteur
Le spectacle est composé à partir d’extraits de Il était un piano noir… Mémoires interrompus (© Librairie Arthème Fayard, 1998), que Barbara entreprend d’écrire l'année de sa disparition.
La mort - survenue en novembre 1997 - ne lui laissa pas le temps d'achever ces Mémoires, dont la dernière partie est composée de fragments.
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