Baal
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Thème
Comme l’écrit Brecht, la pièce s’appelait à l’origine : « Baal bouffe! Baal danse!! Baal se transfigure!!! « Baal, qui avait jusque là mené une vie résignée d’employé aux écritures, se rebiffe tout à coup pour ses trente ans. Poète dans l’âme, il s’identifie à François Villon, tant pour ses fulgurances inspirées que pour sa vie de mauvais garçon. Mais Baal n’avait pas encore osé franchir le pas et rompre avec sa routine. Il le fait avec éclat à la fin d’un dîner chez son patron où il a été prié de lire ses vers devant une brillante assemblée. On acclame son génie. On veut le sortir de sa médiocre condition. Il est leur nouveau Verhaeren. Mais Baal bâfre et boit à outrance, sans les écouter. Puis, il lance « J 'en ai que foutre ! «, suivi d’une bordée d’injures et de gestes obscènes.
Le point de non retour a commencé. Son errance maléfique va le mener de désastres en désastres. La bête immonde qu’il cherche en lui est une bête personnelle et métaphysique qui le pousse à commettre des actes odieux. Il couche avec l’épouse de son patron mais c’est pour l’avilir. Il récidive avec toutes sortes de femmes . Baal, devenu un serial killer forestier en errance dans les bois, semble hésiter entre le mythe de la femme immaculée et celui de la femme putain. Dans la pièce , il ne cherche pas sa maman, c’est elle qui le poursuit et l’invective. Devant elle, il ne la ramène pas.
Points forts
-Découvrir ou redécouvrir cette pièce de jeunesse . Brecht l’écrit à 20 ans et ne cessera de la remanier. 1919 : l’époque est sombre au sortir du désastre insensé de la guerre de 14. La sensibilité de l’auteur qui fut infirmier dans un hôpital, traduit cette noirceur, ce nihilisme après les humiliations, la violence, la mort.
- Stanislas Nordey: Vraiment un grand comédien d’une trempe rare. Par ailleurs directeur du Théâtre National de Strasbourg et metteur en scène. De pièce en pièce, il semble toujours brûler ses vaisseaux et être prêt à sortir un couteau. Cette fine lame a dépassé l’âge de Baal mais avec sa silhouette juvénile et frêle, on n’y pense même pas. Il est Baal. Il est le maudit. Le génie voyou. Peu d’acteurs fascinent à ce point. Il brûle. C’est rarissime . Sa voix, comme une sorte de basse continue, nous emporte dans son lyrisme contrôlé.
- Christiane Letailleur dont la mise en scène d’envergure est très esthétique sans être « mode » , sublime les grands textes avec une intelligence instruite. Scénographie puissante, en scope. Beauté. Rigueur.
Quelques réserves
Cette version de 1919 est-elle la meilleure? La pièce parfois un peu terne, s’étire trop. Elle n’est pas boursouflée et donne un effet linéaire mais l’on cherche en vain des phrases saillantes. Du Brecht mythique, quoi!
Plus d’âpreté nous saisirait davantage. Dans «Inkemann » d’Ernst Toller monté par Ch Letailleur, Stanislas Nordey encore plus effrayant, plantait ses dents dans le cou de gros rats. Cette horreur manque un peu.
Encore un mot...
Le spectacle d’une grande ampleur , avec un acteur exceptionnel qui le porte, reste un modèle de vrai travail théâtral.
Une phrase
« J’en ai que foutre! «
L'auteur
Bertolt Brecht (1898 - 1956) n’a pas suivi le chemin funeste de son héros Baal. Son oeuvre va du merveilleux Opéra de quat’sous, à Mère Courage, Arturo Ui, La vie de Galilée… Déchu de sa nationalité allemande par les nazis, exilé , puis fondateur du Berliner Ensemble avec son épouse Hélène Weigel, il résistera aux critiques de la RDA qui ne jugeait pas ses héros assez positifs et aurait voulu l’embrigader. Brecht, un homme libre.
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