Au royaume des femmes
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Thème
Anton Tchekov nous présente ici quatre portraits de femmes sous forme d'autant de saynètes. Ces femmes sont de conditions diverses dans des situations différentes mais toutes ont un point commun : le fol espoir d'une vie sinon meilleure, à tout le moins autrement engageante que la leur.
Que ce soit Polinka dans la passementerie, l'épouse du médecin qui trompe celui-ci à tour de bras, Zinotchka et son vilain petit canard d'élève ou enfin Mademoiselle X pleine d'illusions et de gaieté, chacune voit son existence bifurquer de façon insatisfaisante, rétrécir à vue d'oeil, et ses rêves s'écrouler peu à peu.
Points forts
- Depuis quelques temps, on assiste à une recrudescence de jeunes talents qui, seuls en scène, nous offrent des textes forts, reflets de la société, et leur donnent vie. Pascale Bouillon en fait partie, mettant toute sa sensibilité et sa grâce au service de Tchekov. La comédienne se glisse avec souplesse dans les différents rôles qu'elle interprète.
- On retrouve avec plaisir l'univers et les thèmes de prédilection de Tchekov, qui font souvent écho aux évènements vécus dans sa jeunesse, notamment la maladie; sa fine analyse des sentiments contrariés chez des âmes tourmentées et l'évocation des problèmes sociétaux de l'époque.
Les descriptions sont remarquablement précises, faites de petits riens : l'étendue de la documentation de l'écrivain sur chaque sujet est époustouflante; les détails, par exemple, sur la passementerie, laissent pantois. Tchekov en connaissait un rayon !
- Le passage d'une saynète à l'autre est habile : la comédienne commence à conter son histoire derrière un paravent où elle change de robe, toujours le même modèle, très seyant d'ailleurs, mais d'imprimés et de coloris différents, en y ajoutant un accessoire (un sautoir, un châle, un boléro) qui va singulariser le personnage interprété. C'est futé...
- Un bon point pour la traduction, fort élégante.
Quelques réserves
J'ai vu cette pièce durant le week-end pascal, qui a participé à l'évaporation des spectateurs, ce qui est bien dommage. S'ils savaient ce qu'ils ratent...
Encore un mot...
Les amateurs d'Anton Tchekov pourront se réjouir de cette nouvelle adaptation, dont l'interprétation par Pascale Bouillon est brillante. Tchekov a un style inimitable et cette faculté de nous montrer avec précision l'évolution des sentiments, d'un regard lucide.
Tchekov n'a jamais fait preuve d'un optimisme grand format. Ces historiettes nous le confirment. On retrouve souvent chez lui mélancolie et tristesse, teintées de fatalisme, mais ses petites réflexions bien frappées font sourire et même rire parfois. C'est de la très belle ouvrage.
L'auteur
Après des études de médecine à Moscou où il commencera à exercer, Anton Tchekhov, (1860-1904) publie des nouvelles qui rencontrent assez vite la faveur du public et lui procurent une certaine aisance matérielle. Cela lui permettra d'aider sa famille dont les finances ont été mises à mal par la faillite de son père. Mais c'est à partir de des années 1890 qu'il s'orientera vers le théâtre dramatique et enchaînera des pièces à succès (Oncle Vania, La Mouette, Les trois soeurs, la Cerisaie).
Très sensibilisé par la misère ambiante, et profondément humaniste, il soigne gratuitement les pauvres, ouvre des dispensaires et favorise la création d'écoles.
Atteint de tuberculose, il mourra en 1904 à Moscou, à 44 ans.
Considéré comme une gloire nationale, il fait partie du patrimoine littéraire russe, au même titre que Dostoiëvski et Tolstoï.
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