Arctique
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Thème
Le réchauffement climatique a fait du Groenland un nouvel Eldorado. Ses mines et ses réserves de pétroles sont l'enjeu des appétits les plus cyniques.. Il faut chasser de leur terre les Inuits pour capter leurs richesses. La violence règne partout, comme elle règne en Europe au bord de l'implosion faute d'énergie, de matières premières ou d'eau. Nous sommes en 2025.
Un ancien paquebot, l'Artic Serenity, fait route vers ce Groenland pour y être transformé en hôtel de luxe. Ses remorqueurs viennent de l'abandonner, dans l'Océan arctique, loin de toute terre. Pas d'équipage, le bateau part à la dérive.
Pas de passagers... à l'exception d'étranges voyageurs clandestins mystérieusement invités à bord et réunis – enfermés - dans la salle de bal du paquebot ou de temps un autre, un jazz band « We love global warning » interprète d'improbables standards.
Qui sont-ils... peu à peu les liens qui les unissent apparaissent. Ils sont tous impliqués, sans le savoir, dans l'attentat qui aboutit, il y a quelques années, lors de son inauguration, à la collision entre le paquebot et une plateforme pétrolière. Attentat qui fit une victime, une des terroristes, écologiste.
Leur huis-clos s'ouvre par moment sur les les coursives du bateau filmées en direct. Geôliers, otages, coupables, victimes, complices ou terroristes... peu importe tous comprennent qu'ils sont condamnés, que la glace va les détruire. Image d'une humanité à la dérive que la cupidité conduit au naufrage d'un suicide collectif sur ce radeau de la méduse.
Points forts
- les acteurs : ils dominent et dépassent les obstacles de rôles difficiles : dimension hétéroclite des personnages, chevauchement des histoires et des péripéties, avec leurs ruptures constantes de ton... tous excellent. Un compliment spécial à Epona Guillaume qui exprime avec beaucoup de délicatesse l'ambiguïté de son personnage, orpheline et bourreau inconscient... et puis elle chante si bien. Une mention spéciale à l'Ours polaire dont on se demande s'il est faux ... comme la pièce d'ailleurs qui avec lui touche au grand guignolesque.
- la symbiose théâtre, cinéma et music live : comme dans sa précédente création, 'Tristesse', Anne-Cécile Vandalem donne à voir l'envers du décor ou l'extérieur de la scène. L'apport à la scénographie est incontestable, le spectateur jouit d'une ubiquité qui l'aide à décoder acteurs et récits. Dans sa précédente création, 'Tristesse', Anne-Cécile Vandalem utilisait déjà, avec élégance, ces croisements. On a parfois ici le sentiment qu'elle privilégie la vidéo... elle pourrait laisser croire que le propos général est traité en vidéo et en coulisse et que le live de la scène n'est qu'accessoire. L'ensemble répond à des codes plus télévisuels que théâtraux. L'orchestre live est heureusement là pour nous faire partager le bonheur du réel.
- le décor : on le croit, il est juste. Son style art déco et machineries surannées nous installe dans un monde perdu où la vie un jour s'est arrêtée. Il est habité par la vacuité mortifère du luxe d'un siècle passé.
Quelques réserves
- La pièce : en voulant imbriquer dans un même huis clos, comédie, fable écologique, thriller intimiste, et polar politique, dans une écriture proche de le série TV le texte d'Anne-Cécile Vandalem déroute. Difficile de prendre de l'élan de la hauteur, du recul. Comme le paquebot à la dérive arrêté à chaque déferlante avant de tenter de reprendre de l'aire, le spectateur se cogne à chaque ruptures de genre, de style, de jeu. Difficile d'embarquer et de rester à bord. On finit cependant par rester ; convaincus que dehors est infiniment plus glacial et dangereux...
- Le propos : la dénonciation du suicide écologique de l'humanité est partout, derrière chaque personnage, chaque mot. Partout mais fragile : les péripéties, les états d'âme, les mots d'humour - plus tripiers que grinçants- couvrent le message de fond qui n'apparaît plus que comme le liant d'une construction éclatée.
Encore un mot...
Qui seront trois : Borgen, Titanic et Shining....
Une phrase
Musical, à titre exceptionnel :
I just feel so sorry
For the ones
Who pity me
'Cause they just don't know
de Anyone who knows what love is (will understand), merveilleusement interprété à la fin de la pièce par une Epona Guillaume hypnotique. Un instant de grâce. Perdu dans le reste...
L'auteur
Anne-Cécile Vandalem est née en 1979 à Liège. Après des études d'interprétation au Conservatoire Royal de Liège, elle débute sa carrière auprès de metteurs en scène et collectifs théâtraux avant d'entamer, dès 2003, son travail d'écriture de spectacles avec Zaï Zaï Zaï Zaï et Hansel et Gretel.
Dès lors, la fiction est la forme de prédilection de l'autrice. De 2008 à 2013, elle s'engage dans la réalisation d'une Trilogie des parenthèses d'où sont issus les spectacles (Self) service, Habit(u)ation et After the walls (utopia). En 2014, Anne-Cécile Vandalem met en place trois dispositifs : Still too sad to tell you (installation vidéo), Que puis-je faire pour vous ? (projet dans l'espace public) et Looking for dystopia (oeuvre multimédia). Vient ensuite Tristesses, nouvelle création présentée notamment au Festival d'Avignon en 2016. Aujourd'hui, Tristesses continue de tourner sur les scènes européennes. Les spectacles de Das Fräulein (Kompanie) reçoivent de nombreux prix, dont le « Prix de la Critique », et Anne-Cécile Vandalem se voit également récompensée en 2016 par la SACD en sa qualité d'autrice. Le 23 janvier 2018, elle crée Arctique au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, qui sera présenté au Festival d'Avignon.
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