Andreas

De
August Strindberg
Adaptation de Jonathan Châtel
Mise en scène
Jonathan Châtel
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de la Commune
5 rue Édouard Poisson
93300
Aubervilliers
0148331616
ATTENTION: dernière représentation, le 15 octobre

Thème

Œuvre incontestablement autobiographique, Le Chemin de Damas raconte l’errance d’un « inconnu », au sens de quelqu’un qui cherche à rompre avec son identité, à disparaître. L’adaptation que nous livre Jonathan Châtel n’en a retenu que la première partie. Dans son errance, l’Inconnu rencontre d’autres personnages à qui il exprime avec violence sa révolte solitaire et son rêve de renaissance à une vie plus pure, en accord avec ses ambitions et débarrassée de ses démons. 

Ces personnages, parmi lesquels une femme, à qui il s’attachera, le « nomment ». Ils le nomment Andreas, et c’est peut-être en le nommant qu’ils l’aident à devenir autre, à l’image de Saul qui prit le nom de Paul après sa conversion sur le chemin de Damas.  

Points forts

-        Le texte est d’une grande puissance et d’une grande beauté littéraire. Difficile de commenter Strinberg, mais Jonathan Châtel, qui a fait l’adaptation et la mise en scène, a tiré toute la substance de ce que Strinberg lui-même considérait comme un « matériau » dans lequel puiser à son gré.

-        Excellentes interprétations, notamment celle de Thierry Raynaud dans le rôle principal, qui incarne toute l’ambivalence d’un personnage violent et fragile à la fois. Un jeu simple; on est ému.

-        Les autres comédiens sont à saluer aussi; surtout le jeu si naturel de Pierre Baux qui, comme les autres comédiens, joue plusieurs personnages à tour de rôle.

Quelques réserves

-        On s’attend à une « histoire », et il n’y en pas pas vraiment : temps et espace, rêve et réalité sont mêlés et cela donne une impression de décousu…

-        Est-ce en lien avec l’enfance de « piété forcée » de Strinberg, ou avec le mysticisme qui a imprégné la fin de sa vie, mais les références à la Religion sont fréquentes et pas toujours claires pour qui, justement, ne connaît pas l’influence qu’elle a exercé sur sa vie.

-        Même si l’acoustique de la salle est excellente, on regrette qu’elle soit polluée par des bruits extérieurs (sirènes des voitures de pompiers, cris d’enfants jouant dans le jardin attenant au théâtre…) qui recouvrent parfois les voix, notamment celle de Nathalie Richard, pas toujours compréhensible.

Encore un mot...

Comme chez Ibsen, comme chez Bergman plus tard, nous sommes dans un univers habité de lenteur et d’intériorité toute scandinave. On peut aimer cette atmosphère mais c’est un peu long…

Une phrase

« Andreas, c’est le nom qu’on me donne… »

L'auteur

Né à Stockholm en 1849, August Strinberg compte parmi les plus grands écrivains européens, ayant touché à tous les genres. Journaliste tout d’abord (ce qu’il restera jusqu’à la fin de sa vie), il fut tantôt romancier, historien ou poète, mais surtout dramaturge : on lui doit plus de soixante pièces de théâtre, dont certaines traduites et jouées dans le monde entier, comme Mademoiselle Julie.
Strinberg et son œuvre ne font qu’un, à savoir que celle-ci est pour la plus grande part autobiographique. Sa mère était la « bonne » de  son père avant qu’il ne l’épouse, puis, lorsque sa mère meurt de tuberculose, son père, avec qui il ne s’entend pas bien, se remarie avec la gouvernante des enfants… Une enfance instable donc, où le manque d’affection se voile derrière la ferveur religieuse : on pense au cinéma de Bergman (notamment à Fanny et Alexandre) qui sera très influencé par Strinberg.

Dénonçant l’hypocrisie de la société suédoise, l’œuvre dramaturgique de Strinberg est marquée de misogynie (ses relations avec les femmes sont orageuses et ses trois mariages se termineront en divorces), d’anticléricalisme - mais, paradoxalement, aussi, d’un certain mysticisme et, surtout,  d’une souffrance psychique faite de délires de la persécution, de sentiment de culpabilité et de heurts entre rêve et réalité.

Même si elle a été parfois très critiquée, son œuvre magistrale a été  reconnue de son vivant, y compris par le grand dramaturge norvégien Henrik Ibsen, qui pourtant ne partageait pas la même idéologie. 

August Strinberg est mort d’un cancer en 1912, à l’âge de 63 ans.

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