Affabulazione
De
Pier Paolo Pasolini
Mise en scène
Stanislas Nordey
Avec
Marie Cariès, Raoul Fernandez, Thomas Gonzalez, Olivier Mellano, Anaïs Muller, Stanislas Nordey, Véronique Nordey, Thierry Paret
Notre recommandation
4/5
Infos & réservation
Théâtre de la Colline
15, rue Malte Brun
75020
Paris
01 44 62 52 52
Jusqu'au 6 juin
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Thème
Au centre de cette pièce : la poésie et le mythe ; l’ombre de Sophocle, dans un onirique prologue, vient nous le rappeler. Affabulazione, c’est une plongée dans l’univers imaginaire et fantasmatique des hommes.
Le mythe d’Œdipe n’est pas ici revisité mais transposé; ce n’est alors plus seulement l’univers intellectuel de l’auteur qui est donné à voir, mais bien son univers intime, mystifié, comme souvent chez Pasolini. C’est aussi un retour à la vision d’un jugement immanent propre à la mythologie grecque et au théâtre de la Grèce antique : le poids de la faute des pères qui retombent toujours sur leurs fils, l’hybris (démesure) des uns appelant intrinsèquement sur les autres la Thémis ( justice divine).
Une citation de l’auteur illustre la pièce mieux qu’aucun commentaire. La condition de fils, voilà tout l’enjeu de la pièce.
« J’ai voulu représenter le mythe d’Œdipe, c’est-à-dire quelque chose se situant en dehors de l’Histoire. Selon moi, il est aussi loin de Sophocle que de nous. Je suis plongé dans ce mythe jusqu’au cou, comme tout le monde me direz-vous. Mais je l’ai vécu d’une façon traumatisante toute particulière. » Pier Paolo Pasolini dans les Cahiers du cinéma (juillet-août 1967).
Points forts
1 Les acteurs, tous très bons ! Mention spéciale à Thomas Gonzalez dans le rôle du fils.
2 La scénographie d’Emmanuel Clolus est extrêmement intéressante. Sur scène il y a une vraie beauté plastique. Les décors se meuvent à merveille. La scène est prise dans un mouvement perpétuel. Le clair obscur s’impose brillamment avec en toile de fond la monumentalité d’œuvres issues de l’esthétique picturale européenne.
3 La musique d’Olivier Mellano.
Quelques réserves
Est-ce vraiment un point faible que de ne pas être touché par le théâtre de Pasolini, extrêmement exigeant intellectuellement ? On ne peut pas reprocher aux acteurs – loin de là – de ne pas jouer juste. Mais il faut noter que la durée du spectacle (2h20) et le sujet peuvent « contrarier » (j'ai vu un certain nombre de personnes partir avant la fin.) Du reste les applaudissements ont été timides pour cette seconde représentation à la Colline; c’est anecdotique mais c’est un fait.
Encore un mot...
Excellent pour tout amateur de l’œuvre de Pasolini, peut-être un peu dense pour une première rencontre avec l’auteur de "L’Évangile selon saint Matthieu."
Une phrase
« La normalité qui, si elle dure trop longtemps se décompose et pose de nouvelles énigmes ».
Et cette autre, qui n’est pas dans la pièce :
« L’énorme songe du mythe qui se termine au réveil par l’illusion de la réalité. »
L'auteur
Est-il bien nécessaire de présenter Pier Paolo Pasolini (1922-1975) ? L’auteur de "Salo" ou "les 120 journées de Sodome" est considéré comme l'un des plus grands intellectuels italiens de la seconde moitié du 20ème siècle. Écrivain, poète, dramaturge et réalisateur, il laisse une œuvre riche, obsessionnelle et dérangeante : inclassable, à l’image de lui-même.
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Pasolini traumatisé par Oedipe
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