1er Avril

De
Yves-Noël Genod
Mise en scène
Yves-Noël Genod
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis boulevard de la Chapelle
75010
Paris
01 46 07 34 50
ATTENTION : fin des représentations, le 12 avril
Vu
par Culture-Tops

Thème

Des éclats de vie comme des rêves, sans liens évidents entre eux ni avec une réalité quelconque qui de toute façon ne s'énoncerait pas avec des mots ordinaires. "Des spectacles sans thème et sans forme (annoncée) qui sont célébration et chant, opéra imaginaire, liquide et fluide, qui veulent ne pas poser, ne pas transposer, juste ce qui est là", nous dit  Yves-Noël Genod.

Points forts


1 le seul texte, une parodie de cour magistral sur la philosophie de Cioran, donne à Yves-Noël Genod l'occasion de retrouver sa dimension de comédien à l'intérieur même de son spectacle et fait sourire (pas seulement). Sa voix aux accents très composés s'élevant du noir presque complet, investit tout l'espace et sa silhouette entre-aperçue de funambule pailleté de noir, danse un final déjanté pour conjurer le tragique des propos...

2 la musique (cri, bruits ou voix d'enfants) et l'esthétique sont au cœur de l'événement. L'une baroque ou religieuse qui fait la part belle aux voix des comédiens-interprètes ou venues on ne sait d'où, colore, illumine et donne force aux  tableaux, porte à l'affleurement du spirituel. L'autre fait des deux heures de spectacle une promenade à Venise peut être, où tout est poétique, théâtral, décadent, démesuré et tragique. On évoque Boticelli, le cinéma romain, le silence des grandes tragédies et des cathédrales, les lumières sublimes des aubes mystiques et des bas fonds, les opéras bouffes.

3 La troupe pleine de talent  semble venir tout droit du cinéma ou de mondes oniriques. Baladins ou "spectateurs" venus de la salle, ils dansent, chantent, apparaissent et s'éloignent seuls ou groupés dans une chorégraphie minutieuse. Vêtus somptueusement ou quittant leurs vêtements comme autant de dépouilles, personnages d'opéra aux pantomimes intriguantes et tragiques, tous jouent leur partition en solitaires. 

4 De nombreux moments d'une beauté singulière et poétique. 
Début du spectacle, dans le brouillard épais qui a envahi toute la salle d'où s'élève un chant et des bruits : émerge lentement un être étrange, nu pieds et la tête encapuchonnée, rampant contre le mur du théâtre; une danse d'amour au sol comme un entrelacs de corps . Un violoniste joue pour une jeune femme qui danse une sorte de transe . Un moine et une religieuse se détachent, environnés de chants, ombres noires sur l'immense mur du fond de la scène devenu par le miracle de la lumière d'un rouge somptueux....
 

Quelques réserves

1 la séduction mais aussi le danger de ce type de spectacle est de tomber dans un esthétisme et un délire onirique superbe, archi séduisant mais dangereusement submergeant. Ici, c'est vrai, le fil ne se rompt pas.
 

2 Le cours magistral sur la pensée de Cioran (globalement, d'un pessimisme suicidaire), combien important puisque seul texte de l'oeuvre, éclaire sur les intentions de l'auteur mais opacifie le spectacle et réduit la richesse onirique  et poétique de l'ensemble à une illustration du fait philosophique, "carrément obscure" pour les néophytes... 
 

Encore un mot...


Les 2 heures 15 de ce "grands spectacle" passent sans que l'on se lasse. C'est signe que Yves-Noël Genod a réussi à imposer sa vision du théâtre et à captiver la salle.
Je ne le suis pas sur la pente intellectuelle à l'extrême qu'il a choisie et je préfère vous livrer la phrase si belle, inscrite sur un mur en lettres de lumière, durant quelques instants, et qui parle parfaitement de la poésie de l'oeuvre : 
"Chacun sait que dans les rêves on ne voit jamais le soleil".

L'auteur

Yves-Noël Genod, comédien français, né en 1972, fabrique depuis 2003 ses propres spectacles. Celui-ci participe de la série des "grands spectacles".

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