Vladimir Vladimirovitch
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Thème
Vladimir Vladimirovitch Poutine, professeur d’université devenu conducteur de tramway, peintre du dimanche et bon sportif, n’a jamais été gêné par son patronyme avant que son homonyme n’arrive au pouvoir. Mais l’accès à la présidence de l’ « AUTRE » (même nom, même âge, physique très proche) perturbe sa vie au point qu’il en arrive à écrire la biographie du nouveau tsar pour lequel il éprouve une fascination parfois jalouse (Il saute en parachute parce que Poutine ne l’a pas fait…) Pour endiguer son obsession, il retrace, à partir d’informations glanées dans les archives, les journaux et internet, la trajectoire de son alter ego, depuis l’enfance jusqu’à l’accession au poste suprême, réveillant au passage les fantômes de l’ère soviétique.
Points forts
Aucune prise de position au sens pamphlétaire du terme. Vladimir Vladimirovitch raconte, décrit, constate, s’émeut, délire parfois, mais ne porte jamais de jugement politique. Certains passages me font plutôt penser au livre de Boulgakov Le Maître et Marguerite, en particulier la scène finale, totalement onirique; mais, si c’est voulu, qui des deux compagnons est le Diable ?
Toute la force de l’ouvrage réside dans l’antinomie des deux antagonistes dont les seuls points communs sont leur amour de la Russie et leur passion pour le sport.
- Vladimir Vladimirovitch :
Divorcé de Tatiana, amoureux inquiet de Galina, torturé de cauchemars, attiré par la chute (ou l’envol), c’est un dépressif atteint de TOCS de la symétrie, traversé de tentations suicidaires ; fasciné par les doubles et les homonymes, il cherche en permanence les correspondances bizarres ou cocasses qui vont dans le sens de sa schizophrénie :
Litvinenko , hockeyeur de niveau olympique, est également le Recteur d’université qui a dirigé la thèse de Poutine et l’espion qui fut empoisonné au polonium en novembre 2006
Gagarine, le premier cosmonaute, porte le même nom que le successeur de Berzine, responsable de l’installation du goulag à la Kolima
Yachine, élu Ballon d’or, meilleur gardien de but de l’Union Soviétique, a pour homonyme l’un des principaux adversaires politiques du président Poutine
L’Américain Alan Eustace, l’homme-oiseau, qui sauta en chute libre de de la stratosphère en 2014, est le pendant du Français Garnerin, l’autre homme-oiseau qui se parachuta sur le parc Monceau en octobre 1797
Kim Jong-Un, dictateur de la Corée du Nord, est l’auteur d’une directive tendant à obliger tous les coréens nommés Kim Jong-Un à changer de nom…
- POUTINE, dit Volodka :
Avec « son air d’enfant triste et ses yeux de phoque », c’est un judoka de haut niveau. Il est réaliste, méticuleux, travailleur, volontaire, sans humour. Après 30 ans de mariage avec Lioudmila et un « divorce civilisé », il garde une vision très traditionnelle du rôle de la femme (au foyer).
Pragmatique, il sait tirer les leçons des drames qui ont marqué ses premiers mandats, le naufrage du Koursk, l’école de Beslan, les attentats de Moscou….
Après avoir mené une vie de petit fonctionnaire au KGB, d’où le sobriquet de Akaki Akakievitch Poutine que lui attribue la journaliste Anna Politovskaia en référence au triste héros du Manteau de Gogol - journaliste dont l’assassinat le 7 octobre 2006 le laisse d’ailleurs royalement indifférent-, il parvient, à force de volonté, et moyennant les compromissions nécessaires, au statut de nouveau tsar : Volodka 1er devient le Cavalier de Bronze, la statue équestre de Pierre Le Grand qui, dans le poème de Pouchkine, poursuit jusqu’à la folie et la mort le malheureux Eugène –auquel Vladimir Vladimirovitch s’identifie.
Quelques réserves
- Un démarrage un peu difficile avec le premier cauchemar provoqué par l’échec de l’équipe de hockey russe aux jeux de Sotchi.
- Un certain fouillis lorsque l’on se trouve dans la tête du narrateur qui saute d’une idée à l’autre, d’un personnage à l’autre, d’une anecdote à l’autre, au gré de ses humeurs et de ses angoisses.
- Une écriture rapide, parfois confuse, entièrement au présent de l’indicatif.
Encore un mot...
Déroutant et attachant.
Cet étrange roman est à la fois l’histoire d’une psychose nourrie de littérature classique russe, d’exploits soviétiques et de crimes staliniens et une biographie bien documentée, sans concessions et très actuelle.
Une phrase
p. 291 Vladimir Vladimirovitch explique pourquoi il a entrepris la biographie de Poutine :
« Il n’éprouve ni sympathie ni antipathie à son égard, même si ses yeux de phoque l’ont touché et si certains de ses actes l’offusquent. Plutôt de l’empathie, comme elle doit lier (…) un romancier à ses personnages, oui, empathie lui semble le bon mot, une souffrance intérieure, puis la tentative de comprendre les émotions d’un autre, à fortiori d’un alter ego »
L'auteur
Né en 1949 d’un père membre du Bureau Politique du PCF dans les années 70, Bernard Chambaz est agrégé d’histoire (qu’il a enseignée au Lycée à Louis-le-Grand). Auteur d’une trentaine d’œuvres, essais, poèmes, récits et romans, il a reçu le prix Goncourt du premier roman en 1993.
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