
Giovanni Falcone
Traduit de l’italien par Laura Brignon
Publication le 06 février 2025
601 pages
25 euros
Infos & réservation
Thème
Le 23 mai 1992, la voiture qui transporte le juge Giovanni Falcone et son épouse est pulvérisée par une charge d’explosifs de 500 kg. Quand Falcone engage son combat contre la mafia dix ans plus tôt, Palerme abrite la plus grosse raffinerie d’héroïne d’Europe. L’argent de la drogue circule sous forme de pots-de-vin et alimente des marchés publics truqués. L'État italien est faible et impuissant. Les élites politiques et syndicales sont corrompues.
Falcone révèle la vraie nature de la mafia : une direction centrale (la “coupole") et non pas une instance d’arbitrage des affaires des familles siciliennes. Les méthodes du juge sont innovantes : concentration de l’instruction, traçage des flux financiers, usage de repentis, collaboration internationale. Ce sont des dossiers solides que Falcone présente au Maxi-procès de 1987 qui, malgré de multiples obstacles, met fin à l’impunité de Cosa nostra. Une victoire qui signe aussi l’arrêt de mort du juge.
Points forts
Giovanni Falcone est une biographie romancée, mais avec rigueur, pourrait-on dire. “Tout est vrai” dit Saviano qui s’appuie sur une foule d’articles de presse pour inventer des situations et dialogues réalistes. Il rend un hommage sobre et vibrant à Falcone et ses camarades qui se sont relayés sans relâche pour éradiquer la mafia sicilienne, souvent en y perdant la vie. On perçoit à quel point leur tâche était himalayenne et que leur travail a contribué à l’affirmation de l'État italien.
L’auteur dessine un portrait vivant du professionnel, excellent juriste, travailleur et intègre. Mais aussi de l’homme dont le statut de condamné à mort n’entamait pas la joie de vivre. Saviano n’occulte pas les multiples échecs professionnels de Falcone après le Maxi-procès, ni son goût pour une forme de vedettariat bravache et sûrement mortifère.
Quelques réserves
Giovanni Falcone n’est pas un thriller comme on a pu l’entendre. Quelques scènes de bonne intensité, mais trop rares, peuvent être rangées dans cette catégorie, de même que ces moments où le lecteur perçoit que la mort va frapper au milieu de la routine de l’enquête. Non, Saviano est un romancier “à reculons”. Son travail est d’abord celui d’un journaliste qui documente scrupuleusement chacune de ses scènes mises en roman. Ce long récit est aussi un témoignage méticuleux mais parfois un peu ennuyeux sur le fonctionnement de l’institution judiciaire. On est confondu par les rivalités et les intrigues qui gangrènent une magistrature irresponsable et politisée alors que la lutte fait rage.
Encore un mot...
Pour compléter cette lecture, et passer un bon moment à Palerme l’été prochain, on recommandera L’histoire des Beati Poli, de Luigi Natoli, cité par Saviano et qui développe une vision romantique de Cosa nostra sur fond d’épopée sicilienne.
Une phrase
« … non cette approche provinciale de la mafia comme une série de brouilles entre voyous, des conflits gérés à coups de fusil de chasse entre paysans violents ne lui manque pas. La mafia implique organisation, centralisation, pouvoir. » (p. 82)
« Ce que les gens voient dans les journaux, cette volonté d’occuper le devant de la scène dont beaucoup de monde l’accuse, l’image fière d’un magistrat au faîte de sa carrière, d’un champion de l’antimafia, est seulement la lumière d’une étoile morte ». (p. 204)
L'auteur
Roberto Saviano est un écrivain et journaliste italien. Il dénonce inlassablement les milieux mafieux depuis la parution de Gomorra en 2006 sur la Camorra. Il vit sous protection policière depuis lors.
Ajouter un commentaire