Violette et Stella

Où est le Prince Charmant des femmes libérées ? Un roman subtil et sensible.
De
Evelyne Bloch- Dano
Stock
Parution le 13 mars 2024),
250 pages, 20,90 euros
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Le récit est encadré par un prologue et un épilogue datés de 2007 et 2017. Au début du roman, la narratrice, Anne, 59 ans, a loué une petite maison en Sicile tandis que Mike, son compagnon amoureux est parti s’épanouir dans sa carrière de musicien à Los Angeles. Il la supplie de la rejoindre mais les femmes d’aujourd’hui se libèrent même des attaches très fortes. Dans l’épilogue, sa fille Stella, 49 ans, se heurte à l’angoisse du vieillissement vite balayée par l’urgence de vivre.

Anne, professeur de yoga, est l’archétype de la post soixante-huitarde qui a essayé toutes les expériences extrêmes : l’engagement politique, le féminisme  « gai, sensuel, insolent », les voyages lointains en auto-stop, les paradis artificiels, le départ pour un ashram en Inde à la recherche d’une communauté idéale. Le récit se consacre ensuite à Stella, la fille qu’elle a élevée seule, une élève brillante devenue « consultante junior » dans un cabinet très coté. Très investie, totalement accaparée par son travail, elle collectionne les amants après une première déception amoureuse.

Violette, l’amie d’enfance, se profile comme son exact opposé comme le donnait déjà à lire la citation de Balzac mise en exergue, extraite des Mémoires de deux jeunes mariées. L’amie de Stella vient en effet d’un milieu bourgeois et, après de prometteuses études de droit, elle épouse Frédéric au début des années 90. Elle devient alors, c’est son choix résolu, une femme au foyer modèle, mère de deux enfants, une situation où son altruisme s’épanouit.

Stella, si sérieuse dans son travail, reste instable dans ses relations, « une éternelle adolescente », même son mariage avec Vincent se dénoue au bout de 7 ans devant le péril de l’ennui. Pendant ce temps Violette, dont les enfants ont grandi, se heurte à leur besoin d’indépendance.

Cependant même les vies les plus stables peuvent finir par se fissurer tandis que la vie réserve des surprises aux cœurs qui se pensaient endurcis…

Points forts

  • Le roman analyse avec beaucoup de subtilité la complexité des aspirations des femmes contemporaines sous une plume tendre et non dénuée d’humour. Les lectrices se retrouveront dans ce kaléidoscope féminin d’autant plus que la toile politique, historique, sociologique d’arrière-plan ajoute à la véracité du récit.

  • Le texte dégage un optimisme et une joie de vivre contagieux. La phrase se fait volontiers énumérative pour balayer tous ces appétits de vivre. Cette confiance indéfectible dans l’être humain se double d’une lucidité sans concession mais sans amertume.

  • Enfin l’écriture sensible, sensuelle dans la description des joies simples offertes par la nature ajoute au plaisir du texte. 

Quelques réserves

On pourra trouver quelques longueurs dans la description du travail de manager et des activités débordantes de Stella mais peut-être étaient-elles nécessaires pour opposer les occupations mère/fille : « zénitude » d’un côté, frénésie professionnelle de l’autre.

Encore un mot...

On perçoit en filigrane dans le roman l’amour pétri de bienveillance d’Anne pour Stella qui a partagé étroitement sa vie et a choisi des chemins différents. C’est une mère inquiète du bonheur de sa fille sans doute mais qui maintient toujours un dialogue ouvert. Les leçons de l’expérience, les conseils prescriptifs sont effacés au profit d’une écoute tolérante. Même Violette qui n’est pas une fille biologique, se confie volontiers et se rassure dans cet échange. Cette jolie relation mère/ fille constitue un des intérêts du livre.

Une phrase

  • « Petite fille, j’imaginais Dieu tenant un parapluie de toutes les couleurs au-dessus de ma tête pour me protéger du malheur. Cette curieuse image de la Providence ne m’a jamais quittée complètement, même quand j’ai cessé de croire en Dieu.» (p 34)

  • « Il me semble être la survivante d’une autre époque, une figurine de collection qui incarnerait les utopies passées. Et dépassées. Tant pis, j’ai choisi, j’ai épousé les idéaux de mon temps. J’ai façonné la bulle irisée dans laquelle je vis aussi bien que possible. » (p 159)

  • « Les échappées et les retours en arrière de Stella qu’il a devinés à la lumière d’anciennes déconvenues lui font peur. La suivre, c’est du bonheur et de la souffrance en vue. Car vouloir être heureux, c’est miser sur le risque. » (p 231)

L'auteur

Evelyne Bloch-Dano, après avoir enseigné la littérature s’intéresse aux maisons d’écrivains, aux femmes d’écrivains et à quelques femmes remarquables telle Flora Tristan « la femme messie ». Sa biographie consacrée à Madame Zola (Grasset, 1997) reçoit le grand prix des lectrices de ELLE,  Madame Proust (Grasset, 2004) est salué par le prix Renaudot de l’essai. On peut encore citer Le dernier amour de Georges Sand (Grasset, 2010) et Une jeunesse de Marcel Proust (Stock, 2017). Violette et Stella est son premier roman.

Commentaires

Évelyne Bloch-Dano
jeu 11/07/2024 - 10:33

Merci pour votre lecture attentive et votre jolie chronique !

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir