Un monde à portée de main
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Thème
Paula, lycéenne médiocre, ne sait pas très bien quoi faire de son bac, jusqu’au jour où elle choisit de partir à Bruxelles dans un atelier où elle apprendra à peindre. Sa voie, c’est l’art, mais pas les Beaux-Arts, non, l’art moins noble qui consiste à copier, à faire du « faux semblant ». Mais s’agit-il seulement de copier le monde? La recherche du geste parfait conduira Paula - et le lecteur - dans une quête de l’origine même de la peinture, et de la vie.
Points forts
- Un éloge de l’art qui conduit à une interrogation sur l’artifice, et sur la frontière entre imaginaire et réalité.
- Une analyse fine et subtile des rapports familiaux ou des liens qui se tissent entre étudiants colocataires.
- L’art de camper des personnages qui, bien que secondaires, apportent force et efficacité au propos : le couple de parents si touchant, l’intransigeante enseignante de l’école de la rue du Métal, la vieille maquilleuse de Cinecittà…
- Une écriture qui se déploie jusqu’au vertige pour traquer l’infiniment petit jusqu’à proposer un extraordinaire voyage dans la matière, dans l’espace…et dans le temps.
Quelques réserves
On peut être dérouté par la longueur des phrases, l’absence de guillemets, et le mélange entre mots rares et vocabulaire cru, mais c’est ce qui rend à mon sens le style de Maylis de Kerangal si particulier et si puissant.
Encore un mot...
Comme dans « Réparer les Vivants », « Corniche Kennedy » ou « Un Chemin de Tables », ce sont des jeunes d’aujourd’hui qui sont au centre du roman. Débordant de vitalité, parfois fauchés ou cabossés par la vie, mais vivant sans limites leurs passions, ils sont à l’âge des choix, des défis aussi. Ici c‘est la porte d’un nouvel univers qu’ouvre la romancière pour nous entraîner sur les pas d’étudiants dans une école d’Art. Comment ne pas faire sans cesse des analogies entre ces prodiges du trompe-l’œil que sont Paula, Kate, Jonas, les décorateurs de Cinecittà ou les nombreux artistes croisés au fil du roman, et Maylis de Kerangal, elle-même « faussaire »? Sa plume fait naître elle aussi un monde factice, mais cependant criant de vraisemblance, un monde offert avec générosité au lecteur, un monde prodigieux - oui, je le dis - « à portée de main ».
Une phrase
« Elle garde dans la poche de sa blouse un petit répertoire à couverture noire et un crayon de graphite, elle engrange les mots tels un trésor de guerre, tel un vivier, troublée d’en deviner la profusion- comme une main plonge à l’aveugle dans un sac sans jamais en sentir le fond-, tandis qu’elle nomme les arbres et les pierres, les racines et les sols, les pigments et les poudres, les pollens, les poussières, tandis qu’elle apprend à distinguer, à spécifier puis à user de ces mots pour elle-même, si bien que le carnet prendra progressivement valeur d’attelle et de boussole : à mesure que la fabrique de l’illusion s’accomplit, c’est dans le langage que Paula situe ses points d’appui, ses points de contact avec la réalité. »
L'auteur
Née en 1967, Maylis de Kerangal a créé les éditions Le Baron Perché - spécialisées en littérature de jeunesse - et aussi publié de nombreux romans chez Gallimard. En 2008 « Corniche Kennedy » est finaliste de plusieurs prix littéraires, il sera adapté au cinéma en 2017. Les récompenses se succèdent : le Médicis et le prix Franz Hessel pour « Naissance d’un Pont » en 2010, le prix Landernau pour « Tangente vers l’Est » en 2012, et dix prix en 2014 pour « Réparer les Vivants », roman adapté depuis pour le théâtre et le cinéma. En 2015 et 2016 sont parus « A ce Stade de la Nuit » et « Un Chemin de Tables ».
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