Un jour d’avril

Un triptyque d’une finesse digne du pointillisme impressionniste, sur les méandres affectifs d’une famille de Brooklyn
De
Michael Cunningham
Seuil
Traduction de (Anglais US) par David Fauquemberg
Parution le 19 août 2024
320 pages
22,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

5 avril 2019, Brooklyn, New York. Ici vit la famille de Dan et Isabel, quarantenaires, lui rockeur oublié ayant connu une gloire éphémère, elle journaliste dans un magazine  de mode et design, deux enfants de 10 et 5 ans. L’harmonie se fissure à bas bruit sous le vernis du quotidien ordinaire.  

5 avril 2020. Même lieu, mêmes personnages. Le confinement mondial transforme la scène en huis clos où flotte un parfum de malaise grandissant entre silences, angoisses et éloignement intérieur.

5 avril 2021. La famille doit faire face à une nouvelle réalité. Car tout a changé. Sauf la course du temps et son empreinte ineffaçable sur les fêlures et les blessures.

Trois journées d’avril, ou la chronique d’un couple en crise, d’un monde en profonde transformation dans lequel le virtuel le dispute au réel et où les repères individuels et collectifs vacillent. Une plongée tout en délicatesse dans une situation d’une  apparente banalité qui apparaît au fil des pages dans toute sa  complexité.

Points forts

  • La lecture du nouveau livre d’un écrivain auréolé de succès est toujours un moment suspendu entre espoir de nouvel émerveillement et crainte de déception. 
    Un jour d’avril n’échappe pas à cet obstacle, Michael Cunningham comptant parmi les écrivains majeurs de la littérature contemporaine américaine, dont la carrière a connu un point d’orgue avec la parution en 1999 de son roman The Hours (Les Heures), prix Pulitzer adapté au cinéma avec pour interprètes les stars mondiales Nicole Kidman, Meryl Streep et Julianne Moore. 

  • Dans ce nouvel opus, l’auteur réussit son pari de nous entraîner dans une nouvelle promenade attachante  toute en subtilité dans un univers simple et banal au premier regard mais où se  retrouvent dès les premières pages,  dans une continuité créatrice, ses obsessions pour l’exploration de l’amour, de l’amitié, du temps, du rapport à la mort. 

  • La construction narrative et la forme du roman - unité de lieu et de repères temporels, variations sur le même thème, alternance de chapitres longs et brefs à l’allure de journal intime, immixtion  du langage numérique (mails, textos) - est propice à la montée rapide d’un climat de fragilité et de déséquilibre, de fragmentation des points de vue et des émotions. Un rythme comme une respiration irrégulière, comme une musique dissonante qui évoque l’incommunicabilité,la culpabilité, la douleur.

  • La finesse d’observation et la délicatesse de l’écriture font  peu à peu émerger les ressentis et les sensations sur le fil du rasoir de personnages tout en questionnement et en mal-être, à l’image de notre humanité  toute entière quels que soient les contextes.
    Ce huis clos s’écoule comme une clepsydre sur l’usure du temps. 
    Un beau livre tout en finesse.

Quelques réserves

Les personnages et l’atmosphère du roman sont très symptomatiques d’une certaine Amérique matinée de quelques accents woke : père au foyer, mère débordée par un travail proche du cliché, place centrale des enfants, nouvelle co-parentalité, vie bancale du frère gay, évocation photographique d’un New-York alternatif… Cependant, même si le lecteur n’est pas sensible à cette littérature, il sera touché au cœur par l’universalité des émotions.

Encore un mot...

L’occasion de lire ou relire aussi The Hours pour mieux connaître l'œuvre de Michael Cunningham.  

Une phrase

  • « Ce serait plus facile si elle était plus innocente. Ce serait plus facile si elle était plus sûre des limites qui séparent la pitié du désir, et le désir de la rage. Elle n’aime pas les hommes, elle n’aime pas Garth. Et pourtant quelque chose en elle n’arrête pas de bouger, un malaise qui n’est pas de l’amour mais qui n’est pas rien et qui peut-être, à sa manière, n’est pas exactement, pas absolument, pas de l’amour .» p. 257

  • « Elle hésite. Ce n’est pas la voix de Wolfe, Wolfe est poétique au fond de son cœur mais les envolées lyriques ne sont  pas son truc. Il est trop embarrassé, trop enclin aux vénérations pour plaquer des mots dessus. Wolfe sait que les mots échouent. Il sait que sa vie et celle de Robbie sont mieux contenues dans des gestes, dans une main délicatement posée sur un visage, dans un baiser inattendu ou un mot tendre murmuré, choses éphémères, qu’il est tout aussi impossible de dire que de photographier. » p. 284

L'auteur

Michael Cunningham, né en 1952, est un romancier et scénariste américain. Il a enseigné à Columbia University et est actuellement professeur à Yale University. Activiste, il participe à la naissance du mouvement  Act Up et a fait l’objet de brèves arrestations pour s’être enchaîné aux grilles de la Maison Blanche lors de manifestations sous la présidence de Georges H. W. Bush. 

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