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Thème
En une vingtaine de petits chapitres assimilés à des « lettres » dans la mesure où ils s’adressent à un interlocuteur privilégié (qui peut être un bol, un nuage ou un escalier), Bobin livre sa vision poétique d’un monde qui « prend le contrepied des tambours modernes : désenchantement, raillerie, nihilisme», et réalise un hymne à l’écriture manuscrite, et à la calligraphie qui a le charme d'une « littérature méditative».
Points forts
1- La très belle maquette de l’Iconoclaste dont la couverture et les premières pages reproduisent le manuscrit de Bobin, celui-là même qu’il évoque d’entrée: « Je suivais le cortège funéraire de mon dernier manuscrit (…) mes mots ne donnaient qu’une lumière morte ».
2- L’hommage aux poètes dans lesquels il se retrouve, à commencer par Ryōkan, « qui se cache derrière le feuillage de l’encre comme le coucou dans la forêt » :
Ryōkan, (1758-1831) moine et ermite, poète et calligraphe japonais, est l'une des grandes figures du bouddhisme zen. Au Japon, sa douceur et sa simplicité ont fait de lui un personnage légendaire sous le nom de Taigu Ryōkan, « esprit simple au grand cœur », (ou littéralement « grand benêt bien gentil ») ; après une longue période d'errance solitaire à travers le Japon, il s'installe, à l'âge de 40 ans, dans une petite cabane au toit de chaume. Un soir qu’il a été dépouillé de ses maigres biens, il compose ce qui deviendra son haïku le plus connu : « Le voleur parti / n'a oublié qu'une chose / la lune à la fenêtre. »
3- Bobin évoque également quelques grandes figures de dissidents soviétiques: « Je connais bien la Russie, figurez-vous. J’y vais souvent la nuit écouter ses poètes assassinés » (p.42) :
Ossip Mandelstam (1891-1938) mort de faim et de froid pendant le voyage vers la Kolyma, est sans doute le poète le plus génial et le plus révolté de Russie ; il est encore largement méconnu du public français et ne sera reconnu internationalement que dans les années 1970, plus de trente ans après sa mort. « Viens t’asseoir à côté de moi me parler de ton homme. Un poète a le visage de celle qu’il aime. Te voir, c’est le voir » (Nadejda p. 54)
Marina Tsvetaïeva, poétesse russe, amie de Boris Pasternak, s’est pendue en 1941 quelques années après son retour en URSS. « Ta dernière maison à Elabouga, ses murs étaient en bois de naufrage » (Marina p.24).
4 - Des poètes et écrivains français de ses amis sont rappelés également :
Lydie Dattas, auteur, entre autres, d’une biographie de Jean Genet, « la chaste vie de Jean Genet », parue en 2006, a préfacé le livre de Bobin, « La lumière du monde » en 2001. « Tu riais. Tu disais des choses invraisemblables et justes (…) la vérité est folle » ( Lydie p.94)
Jean Grosjean, prêtre défroqué, poète, biographe, traducteur de la bible et du Coran, est mort en 2006. Bobin le défend dans Cher Penseur (p.91): « Jean Grosjean a commencé par être poète. Puis, il a lâché ce confort pour devenir la poésie ».
Quelques réserves
Ces lettres de poète dédiées à d’autres poètes, en particulier à Ryōkan, me paraissent parfois bien niaises et leur préciosité, loin de me toucher, me renvoie plutôt à « l’anachorète hypocondriaque » de l’inénarrable parodie des Inconnus.
Encore un mot...
Apprêté et anodin.
Outre les anges, les nuages et les fleurs, il est beaucoup question du Rien dans cet ouvrage. (Bobin a d’ailleurs écrit "l’éloge du rien ", en1990). Cela explique-t-il qu’il ne me reste rien de ces textes, une fois le livre refermé ? Peut-être suis-je étrangère à la poésie… Pourtant, j’ai encore en tête certains poèmes en prose de Baudelaire, découverts à 15 ans, comme « l’étranger » ou « la chevelure». Question de génération, sans doute…
Une phrase
p. 59, dans la lettre au vieil escalier :
"J’ai du courrier à faire. Il est important, c’est pourquoi je ne le ferai pas. Ces enveloppes dites « à fenêtre » - leur fenêtre n’ouvre sur rien. Je rassemble mes années autour de moi pour avoir plus de force. Il en faut pour ne rien faire. Le diable des modernes a décidé que nous serions tous, toujours, très occupés."
L'auteur
Poète, moraliste et écrivain français, né en 1951 au Creusot, Christian Bobin vit en Bourgogne, loin de l’agitation des villes ce qui ne l’empêche pas de participer à de nombreuses émissions de radio et de télévision.
Son œuvre, forte d’une soixantaine d’ouvrages, a reçu de nombreuses distinctions, dont le prix des Deux Magots, le grand prix Catholique de Littérature (1993) et le prix d’Académie pour l’ensemble de son œuvre (2016).
Son panthéisme paisible plaît aux critiques et au public. La plupart de ses livres se sont vendus à plus de 100.000 exemplaires. « Le très-Bas », consacré à Saint François d’Assise, a même atteint les 400.000. Christian Bobin ne semble donc pas appartenir à la race des poètes maudits.
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