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Thème
Un bug inopiné dans le continuum espace-temps transporte le monde dix ans en arrière, de 2001 à 1991 ; tout un chacun doit revivre sa vie à l’identique comme, dans une pièce de théâtre, un acteur récite son rôle sans pouvoir en changer un mot jusqu’au baisser de rideau. Après, et après seulement, il retrouve son libre-arbitre. Tel est le thème que Vonnegut avait envisagé de traiter sous le titre de « tremblement de temps ». Mais, très vite, l’auteur décide qu’il a dépassé l’âge d’écrire de la science-fiction pure et dure : « Je me trouvais être le créateur d’un roman qui ne tenait pas debout, qui n’allait nulle part et qui, pour commencer, n’avait jamais demandé à être écrit, Merde ! » Ce sera donc une sorte de testament littéraire qui va s’enrouler autour de la fable initiale, une autobiographie parcellaire ponctuée de portraits, d’anecdotes et d’aphorismes truculents dans laquelle Vonnegut se livre avec cocasserie et humour.
Points forts
Le mot-clé du roman est libre-arbitre. Après dix ans de « rediffusion » passive, le retour à la liberté d’agir peut s’avérer mortel pour l’individu qui a perdu l’habitude de tenir les commandes ou d’appuyer sur le frein. Seul est capable de survivre celui qui est maître de son destin et peut prendre conscience des bons moments que la vie lui accorde.
En un véritable jeu de massacre, Vonnegut multiplie les analyses paradoxales sur la condition humaine et s’attaque à tous les domaines, la famille, l’arme nucléaire, le génocide des Indiens, l’art contemporain, la grande dépression, la modernité, et j’en passe.., appliquant à ses descriptions la précision maniaque qui est la marque de son style et le fondement même de son humour.
Le personnage de Kilgore Trout, double littéraire de Vonnegut dans plusieurs de ses romans, est un auteur de science-fiction raté, coupable de nouvelles loufoques jetées aussitôt qu’écrites, ce qui permet à l’écrivain de se livrer à une forme d’autodérision grinçante, tempérée d’une certaine tendresse : « je l’avais doté d’une vie qui ne valait pas la peine d’être vécue, mais je l’avais doté également d’une volonté de vivre à toute épreuve; Il s’agit là d’une combinaison fort commune sur la planète Terre » (cf Le breakfast du champion - 1973)
Quelques réserves
A l’encontre du principe philosophique d'économie ou de parcimonie connu sous le nom de « rasoir d’Occam », auquel il fait plusieurs fois référence, Vonnegut part dans tous les sens et accumule les historiettes ; il mêle joyeusement péripéties familiales, souvenirs personnels, science-fiction, antimilitarisme, créations littéraires et artistiques en un tohu-bohu déjanté et difficile à suivre qui laisse le lecteur épuisé.
La traduction laborieuse, trop littérale, ne facilite d’ailleurs pas la compréhension. Pour ma part, j’ai eu l’impression pénible d’avoir cliqué la mention « traduire » sur une page Wikipédia en anglais.
Encore un mot...
Ecrit en 1997, cet ultime ouvrage de Vonnegut s’apparente pour moi à un OVNI plutôt qu’à la caricature de ses (excellentes) œuvres précédentes. Peut-être le roman de trop d’un satiriste fatigué ? Après tout, ce n’est pas moi qui le dis, mais lui-même qui le suggère quand il mentionne son âge dans le prologue.
Une phrase
p. 203: "Je définis un saint comme une personne se comportant avec décence dans une société indécente"
L'auteur
Kurt Vonnegut (1922-2007) est un écrivain américain, humaniste et athée, militant pour la paix, marqué par des drames dont on retrouve l’écho récurrent dans une œuvre qui relève pourtant de la satire : En 1944 sa mère se suicide alors même qu’il est capturé par les Allemands au cours de la campagne des Ardennes et enfermé dans un abattoir à Dresde pendant le bombardement. Il fait partie des sept rescapés américains et tirera de cette expérience son roman le plus connu, Abattoir 5publié en 1969.
Il a écrit quatorze romans, trois recueils de nouvelles, cinq pièces de théâtre et cinq ouvrages de non-fiction.
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