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Thème
François Pietri, jeune homme Corse discret et timide, se souvient...
40 ans plus tôt, le père de François est tué dans un accident de chasse de deux coups de feu. Quelles sont les circonstances exactes? Fusil calibre 12 ou révolver au numéro limé ? Balles ou chevrotines? Qui est le tireur? S'agit-il d'ailleurs réellement d'un accident? Mystère. François revient sur les lieux du crime par la pensée, jusqu'au bord de ce "torrent" qui continuera de couler sous les ponts jusqu'à l'anse aux galets noirs... où se retrouvaient les amants aujourd'hui disparus. La "Rupa" tel est son nom cache bien son secret ; qui a tué, pourquoi ? Car un deuxième crime est bientôt chuchoté ; "on le saura quand les truites reviendront dans la Rupa", affirme, péremptoire, le sourd du village.
Et le narrateur de poursuivre la longue quête de François à la recherche du temps perdu... et de la vérité. Tout au long de phrases interminables nous rencontrons ainsi Anna, "celle qui m'a élevé ", sinon aimé car "on se croit aimé mais l'on n'est qu'un objet de curiosité" ! Anna dont la gaieté était chevillée au corps mais qui se livrait de temps en temps à l'exorcisme pour éloigner le mauvais œil, retranchée dans sa "mosquée". Ou encore la fantasque Lina Valli qui, telle Léonore, s'essaie à l'aquarelle, tournant autour de François, son modèle préféré, objet de sa concupiscence, sous l'œil inquisiteur des 3 persans qui bientôt succomberaient à la somnolence de "magistrats du siège".
Tel est l'univers à la fois fantastique et dérisoire où se meuvent une vingtaine de personnages... et d'animaux intimes, chats, chiens, perroquets, qui peuplent depuis l'enfance la vie de notre héros.
Points forts
1/L'atmosphère
Magique. Un univers de faits divers désordonnés mais captivants à condition d'y rentrer. Raffiné, élégant, un brin désuet, qui mêle ruralité brute et parfums méditerranéens d'un côté avec, de l'autre, un parisianisme faussement mondain ou artistique quelque peu frelaté du Marais d'aujourd'hui et du quartier de l'Opéra, côté mal famé du siècle dernier.
2/ La psychologie
Les caractères de ce florilège de personnages complexes et contrastés, quelque peu déclassés, sautent et brillent dans la lumière. Thaddée l'ancien officier US travesti, Sauval, le compositeur révolutionnaire, ou la simple cuisinière, et y compris les chats tel Suzy, nous charment et nous émeuvent.
Fresque Fellinienne, suspense digne d'Agatha Christie, tableau de mœurs à la Van Gogh ? Chacun pourra trouver dans TORRENT une excellente raison pour faire rentrer l'ouvrage de RINALDI dans la catégorie œuvre d'art, impressionniste de préférence.
3/ Le style
Pour rester dans le genre et en positif nous dirons qu'il y a du Proust dans cet avatar de Jean Giono ...ou inversement. Mais en réalité c'est tout Angelo Rinaldi et c'est déjà beaucoup, beaucoup trop, oserons certains. Maîtrise de la langue, richesse des images, poésie, érudition...quoi d'autre ?
Quelques réserves
1/ Le style justement.
Non pas parce qu'il serait approximatif ou défaillant mais parce qu'il est trop souvent impénétrable... TORRENT charrie les mots et les images qui roulent pêle mêle dans tous les sens. Il faut s'accrocher pour aller au bout de phrases ou abondent les "Prédicats" et qui peuvent atteindre 15, 20 lignes ou plus. A la dernière ligne de cette somme de plus de 500 pages, on peut enfin s'allonger au bord de la "Rupa", épuisé...
2/ L'intrigue
Si le cadre du drame est bien campé et le mystère bien entretenu, saurons-nous jamais ce qui s'est réellement passé ? C'est un peu dommage. En fin de compte, cette intrigue n'est qu'un prétexte à la composition de cette peinture de gens médiocres et déjantés, mais qui ont leur fierté, croisés par le héros au hasard d'une vie errante.
Encore un mot...
Un trésor difficile d'accès. La magnificence du verbe et les prouesses de la construction grammaticale risquent d'occulter la lumière d'une peinture, au couteau et à la brosse, sans concessions, des misères et des mesquineries de notre humanité.
Brillant et nostalgique.
Savoureux et ...indigeste malheureusement.
On pourra toujours se réfugier dans la mélancolie et la poésie qui coulent dans TORRENT.
Une phrase
Une phrase-souvenir "courte" et émouvante : "Quelle excitation il y avait à traverser la voie ferrée d'un bond, à la seconde où une sonnerie annonçait la micheline dans le tournant, de provoquer le coup de klaxon et la colère du conducteur, et sur les talus, sous l'effet du déplacement d'air, herbes et coquelicots semblaient se pencher en hommage à l'exploit ; Aussi François avait-il beaucoup ri, après la mort de son père".
L'auteur
Angelo Rinaldi défraie la Chronique Littéraire depuis les années soixante. Né à Bastia la veille de l'appel du Général, "d'une famille de paysans", dit-il, il court vers ses soixante dix sept ans.
Romancier reconnu certes, il s'est surtout rendu célèbre par ses chroniques au vitriol et ses foucades, nul auteur ne trouvant grâce à ses yeux.
Formé sur le tas, à ses débuts simple chroniqueur judiciaire pour Nice matin, il collabora , avec de multiples aller et retour, à l'Express, au Point, au Figaro, à l'Obs... promenant une plume alerte et acide sur tout ce qui s'écrit, terrorisant auteurs et éditeurs.
Sa passion? La langue française, dont il clame la pureté, prenant la succession de Jean Dutourd à la DLF. 15 romans à son actif dont un prix Fémina pour " La Maison des Atlantes" et quelques très beaux succès de librairie tels "La dernière fête de l'Empire" ou "Les jardins du Consulat", chez Gallimard.
Signe particulier : met toujours une cravate pour écrire.
Prince des lettres adoubé par ses pairs, il est "Immortel" depuis 2001.
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