Théâtre au sang

Un très bon polar "à l'ancienne"
De
Eliane Arav
Ed.Le Chant des Voyelles, 340 pages, 19 €.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Lu
par Culture-Tops

Thème

Pour décor, le théâtre Charles Victor. Un théâtre à l'ancienne, une de ces salles de tradition. Seulement, on y joue « Oh ! les beaux jours » de Samuel Beckett... et voilà qu'au soir de la première, l'actrice principale, la toute aussi expressive que capricieuse Tessa Saguine, a disparu. Une jeune fille, que l'on sent arriviste, se précipite sur la scène-elle remplace « la » Saguine- mais, dès le tout début de la représentation, elle reçoit sur la tête, lancé des cintres, le cadavre de la vedette. 

Ce soir-là, le commandant Dicaille est d'astreinte. Immédiatement, il lance l'enquête parme les comédiens, la directrice, le chef de plateau, les techniciens, l'habilleuse ou encore les critiques. Une enquête qui va se révéler difficile dans ce petit monde du théâtre où les acteurs semblent tous plus cabotins les uns que les autres, sans parler de leur entourage. Une enquête où le vrai et le faux s'entremêlent. 

Et pour tout arranger, flic réputé pour son peu de penchant pour le rationnel et ses tribulations amoureuses, Dicaille va apprendre qu'un fantôme rode dans le théâtre. Le fantôme de son créateur, Charles Victor, mort un siècle plus tôt...

Points forts

  • La construction aussi diabolique qu'intelligente du roman, toute en digressions et coups de théâtre. On part d'un théâtre parisien, on déambule en banlieue et jusqu'en Normandie. Par les chemins de traverse, une belle façon d'entretenir le suspense.
  • La personnalité de la morte, la comédienne Tessa Saguine. Pas seulement capricieuse et excessive, mais aussi caractérielle, douée pour les fulgurances et autres changements d'humeur, capable de colères sans justification, habitée par des peurs enfantines...
  • La plongée dans un monde du théâtre que l'auteure connaît à la perfection, un monde qui, à l'image de tout groupe humain, recèle vanité, petitesse, jalousie, ego démesuré...
  • L'écriture d'Eliane Arav, toute en gouaille. Ça foisonne à toutes les pages, et ça emmène le lecteur dans des contrées où il croiserait Agatha Christie, Léo Malet et Frédéric Dard !

Quelques réserves

  • Une écriture tellement pétillante, débridée et décorsetée qu'elle peut paraître légèrement surfaite.

 

Encore un mot...

Une belle plongée dans le monde du théâtre, avec Eliane Arav, auteure tout terrain. 

Un excellent polar, un « polar à l'ancienne », comme beaucoup en redemandent... 

Une phrase

Ou plutôt deux:

  • « Le théâtre a toujours été un jeu d'enfants. On dit qu'on fait en vrai et en vrai, on fait semblant. Les morts se relèvent aux saluts et tout redevient comme avant. Que tout ça, c'était pour rire. On aimerait savoir si quelqu'un est blessé, l'aider à se relever en lui murmurant à l'oreille, ça va aller. Mais rien ne bouge. Comme si on n'était plus au théâtre ».
  • « Pour lundi soir, alibi en blinde. Beaureste, magasinier chez Auchan, magasinait à son poste. Tout le département Auchan- Kremlin-Bicêtre, le doigt sur la bande du jogging, peut en témoigner. D'ailleurs, l'appel imminent de son responsable va stabilobosser définitivement les déclarations des collègues. Alors, ils ne pourront pas le garder encore longtemps, même pour faire illusion. Genre occupation du territoire, la muqueuse au plancher, l'enquête qui avance ».

L'auteur

Née dans une famille turco-bulgare, Eliane Arav est journaliste, romancière, essayiste et auteure de pièces de théâtre. Après des études de philosophie et de langues orientales, elle a été journaliste pour « Libération » et « L'Echo des savanes ». Après « Le Guide astrologique de votre chat » (1989), elle publie en 1994 son premier roman, « Le Penseur de Vallorbe » : dans les toilettes du TGV Paris- Lausanne, un meurtre est perpétré en gare de Vallorbe. La victime, assise dans la position du « Penseur » de Rodin, est un travesti près duquel somnole un python... 

Suivront des livres passant allègrement d'un genre à l'autre : « Le portrait robot, mais on dirait Robert »- une pièce radiophonique, en 1998 ; un deuxième « policier », « Du viagra dans la vinaigrette » (2002) ; une traduction, « Relaxe » (« Release ») de Robert Hammond ; « Mes amis, mes amours ! » en collaboration avec Roger Pierre (2007) ; « Leur trac au théâtre » (2012) ou encore « La question Quasimodo » (2017). 

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