Patient X. Le dossier Ryûnosuké Akutagawa

Admirateur fervent de l'œuvre de l'un des plus grands auteurs japonais, Ryûnosuké Akutagawa, David Peace évoque la vie de ce génie tourmenté qui se suicidera à 35 ans, en se fondant sur son œuvre. Patient X n'est pas une biographie comme les autres mais un recueil d'histoires littéralement hantées, qui posent des questions essentielles sur la place de l'artiste dans la société.

David Peace ne s'est pas seulement imposé comme l'un des auteurs les plus singuliers du néo polar anglais. La noirceur parfois insoutenable de ses intrigues, son style tranchant et syncopé conçu à partir des flux de conscience chaotiques de ses personnages, font de lui un écrivain majeur. Peace est aussi passionné par le Japon où il s'est installé depuis quelques années, en témoigne la trilogie consacrée au monde criminel tokyoïte, et sa fascination pour l'un des plus grands écrivains japonais du début du 20ème siècle: Ryûnosuké Akutagawa.

Ainsi, Patient X, sous-titré Le dossier Ryûnosuké Akutagawa, n'est pas un roman, il appartient plutôt au genre biographique. Ce n'est pas non plus le simple récit de la courte vie de cet homme immensément cultivé, auteur de nouvelles dont la plus célèbre, Dans les fourrés, inspira à Akira Kurosawa son chef-d'œuvre, Rashomon. Le livre de Peace emprunte autant à la réalité qu'à la fiction, à travers douze nouvelles, comme si le disciple avait souhaité glisser ses pas dans ceux de son mentor, n'hésitant pas d'ailleurs à reprendre certains de ses titres, ni à modifier, comme pour se les approprier, certaines de ses nouvelles. 

Né en 1892, Akutagawa se suicide à 34 ans. D'une santé fragile, il vit dans l'angoisse de sombrer, comme sa mère, dans la folie et souffre d'hallucinations. C'est un homme tourmenté, qui éprouve des difficultés à assumer les épreuves de sa vie personnelle et, plus généralement, à affronter le monde. Il se réfugie alors dans les livres ce qui lui donne accès aux grands auteurs passés et présents, de l'Orient et de l'Occident. Or, cet apparent éloignement le rend d'autant plus lucide -n'est-ce pas le propre de l'artiste?- sur l'évolution et l'avenir du Japon depuis la fin de l'ère Meiji. Évoquant ses déambulations dans Nagasaki, la plus chrétienne des villes japonaises, Peace, lui fait entrevoir la catastrophe à venir. Englué dans les vicissitudes du présent, cet homme du passé, épris de beauté et de spiritualité, est déchiré, écartelé ce que traduit sans doute la figure du double, récurrente dans son œuvre et, partant, dans les nouvelles de Peace. 

Ce livre est sombre, si l'on excepte le récit des moments de tendresse entre Ryûnosuké et sa tante qui resta auprès de lui dès son plus jeune âge et jusqu'à son suicide, lui apportant amour et protection. D'authentiques amitiés, le réconfort qu'il trouve, sans toujours bien les comprendre, auprès de ses admirateurs et toujours la lumineuse consolation de la littérature adoucissent le tableau d'une vie tragique.