La Petite Bonne

Requiem pour des vies brisées dans la France de l’après-Grande-Guerre. Un roman poétique et envoûtant
De
Bérénice Pichat
Les Avrils
Parution le 28 août 2024
272 pages
21,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Tags

Thème

Le texte débute par la liste interminable des tâches ménagères que les employeurs de la « Petite Bonne » lui imposent, son seul rêve est de posséder une bicyclette pour alléger son panier. Chez les Daniel : Alexandrine et Blaise, l’atmosphère de la maison est particulièrement lugubre. Le maître qui fut un pianiste de talent est un rescapé de la Grande Guerre, une « gueule cassée » qui porte sa croix depuis vingt ans. Défiguré, sans bras ni jambes, ce mort-vivant est confié aux bons soins d’une épouse dévouée. Quand Alexandrine, sur ses conseils, accepte d’aller se distraire dans une partie de chasse, la jeune employée va vivre un face à face contraint avec ce grand mutilé. Que ressort-il de ce huis-clos ? Curieusement la Petite Bonne va surmonter sa répulsion devant le corps martyrisé et «  Monsieur » va dépasser ses préjugés de classe. De cette promiscuité inattendue émerge alors une étroite complicité…

Points forts

  • Ce qui fascine le lecteur, c’est l’originalité de ce texte à trois voix qui juxtapose dans une litanie verticale de vers libres la pénibilité monotone de la vie de la jeune employée et les monologues intérieurs de ses maîtres dans une prose plus classique. Au vocabulaire très simple et concret des tâches ménagères succèdent les réminiscences des atrocités de la Grande Guerre et la cruauté de ses conséquences. Pourtant ce choix d’écriture impose un rythme, une musicalité au texte dans une grande fluidité.

  • Ce roman polyphonique nous fait entrer dans une intimité pleine de poésie, de tendresse où l’on perçoit sensiblement l’humanité des êtres.

  • Par un coup de baguette magique, la romancière réussit à orchestrer, mieux, à fusionner des éléments inconciliables comme la rigidité pudique liée aux classes sociales et la proximité charnelle imposée par le travail de la toilette du grand mutilé.

Quelques réserves

Aucune. Le texte emporte le lecteur de bout en bout.

Encore un mot...

Même si Bérénice Pichat s’intéresse tout particulièrement à l’histoire de la Première Guerre mondiale, le texte a une portée universelle :

  • On pense à l’abnégation des aidants qui doivent accompagner la dépendance de leurs proches.
  • Les souffrances physiques et psychologiques de Blaise qui n’a même plus les capacités de se suicider renvoient au droit à mourir dans la dignité.
  • Enfin la vie sacrifiée de la Petite Bonne, qui reste anonyme pendant tout le texte, pose la question du sens de la vie des travailleurs de l’ombre quand elle n’est que survie pour se nourrir.

Une phrase

  • « Une fois Madame a regardé le panier/ Elle a deviné qu’il pesait trop/ Elle s’est exclamée/ l’a presque plainte/ Ça l’a gênée/ Elle déteste ça/ la pitié/ la charité/ la compassion/ Ça ne nourrit personne/ Ça ne rend pas le panier moins lourd/ Elle n’a rien dit/ mais Madame a senti qu’elle était allée trop loin/ Cela ne s’est jamais reproduit/ La boniche reste à sa place/ La patronne aussi. » (p 28)

  • « Sans mots/ elle s’approche/ elle pose ses mains bien à plat/ sur les épaules voûtées/ qui tressaillent/ sursautent/ Elles avouent tout/ Elles disent sans phrases/ Il n’y a plus de pudeur/ que de la résignation/ Le contact frémissant/ la chaleur des paumes minuscules/ sur ce grand dos d’homme abattu/ arrêtent le temps/ Les tressautements s’apaisent/ Le silence se fait/ Ils restent longtemps/ comme ça/ Elle debout/ droite/ solide/ indispensable/ derrière ce corps brisé/ de celui qu’elle n’appellera plus jamais le vieux. » (p 122)

L'auteur

Bérénice Pichat est née en 1985 au Havre. Elle est professeur des écoles.

Elle a publié, aux Éditions du Queyras, la trilogie Les promesses des fleurs

Ceux qui vivent encore  (T1, 2022), La lignée des voleurs de feu (T2, 2023) et Étant donné le vent contraire (T3, 2024).

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir