Temps courbe à Krems

Cinq nouvelles sur l'ombre du temps passé, présent et à venir à Trieste ou sur les bords du Danube. Un petit livre bien nostalgique !
De
Claudio Magris
Traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau
Gallimard, collection L’Arpenteur,
Parution le 17 février 2022
121 pages
12,50 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Recueil de cinq nouvelles dont quatre ont pour thème celui de la fin d’une vie active ou artistique dans le cadre principal de la ville de Trieste, dominée par la présence très forte de la mer prête à l’engloutir. Tous les personnages, émigrés de l’Empire austro hongrois, y sont attachés parce qu’elle les a accueillis, au moins avant le fascisme et ses affreuses dérives.

Cependant le texte qui donne son nom au recueil est une réflexion, sans doute personnelle à l’auteur, sur la nature du temps qui passe - avance-t-il en ligne droite ou d’une manière courbe, voire circulaire ? - ce qui lui permet de revenir dans un rêve intemporel à un amour de jeunesse.

Points forts

L’insignifiance de la vieillesse qui s’exprime dans de menus événements, pour un chef d’entreprise, un musicien, un écrivain ou un ancien combattant de 14/18 vient mettre un point d’orgue à la signifiance de leur vie passée.

On en pleurerait si cette nouvelle vie ne dégageait pas, finalement, dans sa simplicité minimaliste une impression de sérénité quasi animale. C’est un peu comme la caméra installée par un néoréaliste italien au bout de la rue ; elle nous montre la vie sans passion, sans émotion, tranquille.

Sauf, peut-être, pour le professeur de violon qui souffre de n’avoir pas composé alors que son ancien élève se glorifie, sans vergogne, d’un talent dont il est exempt.

Avec son Temps courbe à Krems, Claudio Magris nous fait revenir ( après son splendide roman Danube ) sur les bords de son fleuve chéri pour évoquer, à la manière de Patrick Modiano, un amour de jeunesse diffus et nostalgique.

Et la nature du temps - passé, présent et à venir - trouve sa conclusion avec la dernière nouvelle Extérieur jour - Val Rosandra où l’ancien combattant revit, lui aussi, des amours adolescentes sur le plateau du film tiré de ses souvenirs dont il corrige les anachronismes du scénario. Est-il redevenu celui qui est aujourd’hui incarné par un acteur médiocre ?

Quelques réserves

La traduction de ces textes ne jouit apparemment pas de tout le soin qu’ils méritaient ; c’est ainsi qu’on trouve la fâcheuse répétition de la formule " qui sait où, qui sait comment " qui doit probablement avoir une meilleure perception en italien qu’en français.

Par ailleurs, sans contester l’importance des thèmes abordés et notamment la mise en scène de la vieillesse dans une triste simplicité ainsi que celle du temps - passé, présent et avenir qui se télescopent - ces nouvelles, à cause de leur sujet même, ne nous captivent pas et suscitent un ennui léger, sauf quand, par moments, naît comme une petite musique ...

Encore un mot...

Le temps d’hier, d’aujourd’hui et de demain pour des personnages tout simples au moment de la vieillesse et de leurs songes un peu confus dans une magnifique Trieste dominée par la mer ou sur les bords du Danube.

Une phrase

Pour le néoréalisme :
" Il tourna au coin de la vieille rue du Borgo Teresiano, il n’était plus très loin maintenant. Un chien levait la patte contre le mur, le filet d’urine descendait en serpentant et disparaissait entre les pierres, il aimait sa couleur jaunâtre."

Pour le temps passé :
" Et rencontrer l’acteur qui doit l’incarner tel qu’il était dans sa jeunesse ne le trouble nullement. C’est un jeune homme quelconque, il ignore tout de cette époque et au fond il ne comprend pas l’histoire qu’il est en train de jouer, mais lui-même, à ce moment là, ne la comprenait sans doute pas beaucoup plus, et s’il pouvait par hasard rencontrer celui qu’il était alors, il lui semblerait tout aussi peu impliqué, tout aussi extérieur que l’acteur. Quoiqu’il en soit…"

L'auteur

Né à Trieste en 1939, Claudio Magris est un universitaire italien, romancier et essayiste, dont les ouvrages, souvent primés, sont traduits dans le monde entier. 

Danube paru chez Gallimard en 1986, a obtenu un grand retentissement international.

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