Souvenirs de la marée basse

Un bon livre mais moins fort que les sentiments qui l'ont inspiré
De
Chantal Thomas
Editions du Seuil
Notre recommandation
3/5

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Thème

Ce roman, paru dans une collection fiction, est une autobiographie axée sur le personnage maternel.

Ecrit à la première personne du singulier, il retrace d’abord l’histoire des ancêtres maternels de Chantal Thomas, ses arrière-grands-parents, avec la guerre de 14, puis ses grands-parents avec la guerre de 40. Suit l’histoire de ses parents, la jeunesse de sa mère, une personne fantasque qui fuit la vraie vie en pratiquant la natation. Vient la petite enfance de Chantal, le bouleversement de sa naissance qui coupe les ailes de son père et fait de sa mère une femme au foyer, fonction qui l’insupporte et qu’elle tente d’oublier, toujours en nageant. 

Suivent de fort belles et longues pagessur l’enfance de Chantal, ses plages d’Arcachon, ses jeux, son entourage, ses amis, et son gout à ellepour la natation. 

Au cours de la dernière partie, Chantal est adulte. Elle ne parle plus de sa propre vie, mais de celle de sa mère, veuve joyeuse, capricieuse, délicieuse et toujours nageuse jusqu’au jour où la maladie d’alzheimer prend de telles proportions que cela devient impossible.

Points forts

- Le récit des moments d’histoire des trois générations précédentes, bien que survolé, se lit avec intérêt.

- Le récit de l’enfance de Chantal, son monde imaginaire, son amitié, ses découvertes fabuleuses, la mer partout et l’énergie des jeux, tout cela est merveilleusement raconté (bien qu’un peu long)

- L’étude littéraire de l’acte de nager, la description du crowl, comme vision, comme vécu et comme symbole, est une vraie réussite poétique.

- La pudeur de l’auteur est touchante. 

En passant, elle lâche l’idée qu’elle a coupé les ailes de son père en venant au monde, qu’il a dû tout quitter, qu’il ne parle jamais, qu’il est mort sans raison vers l’âge de 40 ans.

En passant, elle lâche aussi l’idée que sa mère déteste s’occuper de maison et d’enfants, qu’elle est présente sur la plage mais qu’elle ne veut pas nager avec elle.

A travers ce qu’elle écrit, il apparait clairement qu’elle est abandonnée, mais elle ne le dit jamais, elle ne semble pas s’en rendre compte, elle trace son chemin avec une formidable vitalité.

Quelques réserves

- Des longueurs.

- Le personnage de la mère, quand elle cesse de nager (ce dont malgré tout on a assez rapidement fait le tour), n’offre pas grand intérêt. Il était sans doute captivant pour l’auteur d’en dresser le portrait afin de mieux la comprendre et de mieux cerner sa propre histoire à travers cette quête. Mais la mère elle-même, Jackie, n’est pas très convaincante pour le lecteur. Voilà un personnage qui tient une moitié du livre, qui nage mais ne fait pas de compétition, qui ne pense qu’à elle-même, qui ne fait rien de constructif, qui ne prend pas ses responsabilités, qui reste dans l’enfance. D’ailleurs dans la dernière partie du livre, quand elle aura pris son indépendance, c’est Chantal qui maternera sa mère. D’abord à distance, et puis de plus en plus proche.

Encore un mot...

Il faut beaucoup d’amour et d’indulgence de la part d’une fille pour tenir un tel discours sur une telle mère.

Une phrase

Du chapitre « La princesse du Palais de Mers » - Chantal enfant:

« Les émotions causées par la rouille, ce n’est pas la peine d’essayer d’en causer. Ce serait comme de
vouloir faire partager notre sympathie pour la vase. Substance délicieuse, douceur de velours,
clapotis délicat… Sur l’estran, nous forçons l’écart de nos enjambées pour mettre nos pieds dans les
empreintes creusées par mon père. Et nous chantons des hymnes au génie vaseux. Il abolit les angles
et nous sculpte en creux un corps de caresses. »

L'auteur

Chantal Thomas, née en 1945, est historienne et écrivaine française. Elle est directrice de recherche au CNRS, elle a enseigné dans diverses universités en France et aux Etats-Unis. Spécialiste du XVIIIème siècle, elle est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, le plus souvent à caractère historique.

Ecrivain reconnu, elle a reçu notamment le prix Fémina pour son roman « les Adieux à la reine » et le Grand Prix de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre.

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