A son image

La photographie, au coeur trouble de nos vies
De
Jérôme Ferrari
Editions Actes Sud - 219 pages
Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Ce livre se développe dans une double perspective:

1- LE ROMAN commence par la mort accidentelle d’Antonia, jeune photographe corse, en aout 2003, sur une route corse, au volant de sa voiture. La suite est racontée selon le plan du rituel de la messe des morts, avec à chaque partie de l’office religieux (Requiem...Dies Irae...) l’association d’une photographie de reportage d’Antonia (guerre de Yougoslavie, autonomistes corses cagoulés...)L’office est célébré par un beau spécimen de prêtre, oncle et parrain d’Antonia, qui nous dit toute sa tendresse pour sa filleule dont la grande passion aura été la photographie.

2- DES REFLEXIONS sur la photographie, et plus précisément le photojournalisme, entrecoupent ce récit. La pensée fondamentale de cette “philosophie de la photographie” est que : tantôt insoutenable, tantôt futile, la photographie renvoie sans cesse le photographe de l’obscénité à l’insignifiant, alternative qui forcément finit en échec.

Points forts

Il y en a beaucoup:

1- Une belle “Composition”. Le roman est bien construit, son architecture a été pensée, l’agencement des souvenirs est intimement lié à la liturgie d’une messe et à l’évocation de photographies lourdes de sens.

2- Des portraits avec beaucoup de présence. Jérôme Ferrari  “tire le portrait” de personnages non fictifs, bien réels; ça sonne juste. J’ai adoré le prêtre, si ému et si humain, la mamma corse si intolérante, le militant indépendantiste si psychorigide et Antonia si entière, si fragile mais si libre aussi. Je me suis senti très proche d’eux.

3- Les Réflexions de Jérôme Ferrari, Prof de Philo, sur les rapports de la Photographie avec :

- Le Temps:  “Ce que la photographie montre est figé dans la permanence du temps pour toujours et pourtant
- La Réalité: ”La photographie rend visible ce que personne ne veut voir ...cet instant arraché à la caducité...
                     Elle lutte contre le confort de l’ignorance”.
- D’où sa puissance. Mais les désillusions arrivent, la photographie peut aussi être:

- Obscène: “Les massacres sont brutalement arrachés à la sphère de l’intime pour être exposés en pleine lumière. (Les pendus de Tripoli)
- Futile: “Des photographes donnent de l’importance à des sujets futiles, pire encore, ils fabriquent de la futilité”
- Ephémère voire inutile et par conséquent injustifiable: “Il n’y avait au fond que deux catégories de photos professionnelles, celles qui n’auraient pas dû exister et celles qui méritaient de disparaitre, si bien que l’existence de la photo était évidemment injustifiable”

Quelques réserves

S’il faut en trouver:

1- L’image gagnerait à être plus précise. Les portraits des personnages sont parfois un peu “flous”. J’aurais souhaité plus de roman autour de ces 3 silhouettes si belles: Antonia, le curé, le soldat. J’aurais aimé des “gros plans” plutôt que les” panoramiques” de 2 anciens photographes, Gaston et Rista, vieux d’un siècle, qui viennent parasiter le récit.

2- Et la tendresse et la beauté, bordel! Quel pessimisme! Il n’y a pourtant pas que l’exploration de ce monde pourri, de cette vie de violence et de cette mort qui pue. Il y a quand même la photographie en tant qu’oeuvre d’art, j’espère. Pourquoi l’avoir oublié?

3- Le style parfois précieux, trop riche, trop ciselé, voire ampoulé, alourdit le rythme.Une certaine emphase plombe certaines pages; surtout quand une phrase occupe quasiment une page et parfois plus.

Encore un mot...

1- A travers le talent de Jérôme Ferrari, j’ai ressenti très fort la présence de la MORT devant ce Requiem pour une jeune photographe. Le livre commence par la mort d’Antonia et se poursuit par celle des Yougoslaves, des Lybiens et des autonomistes corses. Sans arrêt Jérôme Ferrari “brosse le portrait” de cette mort et il nous le dit en termes si profonds, si justes et si émouvants.

C’est intelligent et on ne peut qu’être subjugué par la qualité des questionnements.

2- Je me suis posé la question du pourquoi ce titre:”A son image”.On trouvera, peut-être, la réponse dans la Genèse I 27: “Dieu créa l’homme à son image,à l’image de Dieu il le créa”? Manifestement avec ce roman, on n’y est pas. L’homme que nous décrit ici Jérôme Ferrari ne ressemble plus du tout à Dieu. Conclusion:”la photo est ratée”, point final.

Une phrase

“Les hommes aiment à conserver le souvenir émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces, de la naissance de leurs enfants ou de tout autre moment notable de leur vie, avec la même innocence. L’invention de la photographie leur a donné l’irrésistible occasion de céder à ce penchant. L’idée qu’ils portent ainsi contre eux-mêmes le plus accablant des témoignages ne les effleurent apparemment pas. Pourquoi devraient-ils s’en soucier?...Le photographe tient le registre des horreurs désinvoltes”.

L'auteur


Jérôme Ferrari est né à Paris en 1968, de parents corses,

Licencié de Philosophie, il enseigne la Philosophie en Corse.

Il est l’auteur de:
- Dans le secret en 2007
Balco Atlantico en 2008
Un dieu un animal en 2009 - Prix Landerneau
- Où j’ai laissé mon âme en 2010
- Le Principe en 2015

et surtout Le sermon sur la chute de Rome en 2012 - Prix Goncourt

Commentaires

MANGBONDE
ven 10/04/2020 - 20:35

J'ai bien aimé votre analyse de l'œuvre organisée autour d'un certain nombre d'espects clés de l'œuvre.
Mais qui est l'auteur de l'article ?

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