Soixante kilos de soleil

Un tourbillon de sensations à la lecture de ce roman sur la vie des Islandais, aussi rude que lumineuse, au début du XXe siècle
De
Hallgrímur Helgason
NRF Gallimard
Traduit de l’islandais par Eric Boury
Parution le 11 janvier 2024
560 pages
27 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Au tournant du XXe siècle, l’Islande est une terre désolée sans arbres, faite de feu, de glace et de vent, soumise aux caprices des volcans, des glaciers, de l’océan et des icebergs du pôle tout proche. Sous le joug danois, la vie est rythmée par les coutumes ancestrales et une organisation  sociale et économique quasi moyenâgeuse.   

Y a-t-il vie plus pauvre, plus rude et plus sombre que celle du paysan et du marin islandais ? 

Soixante kilos de soleil nous entraîne dans les pas de Gestur, jeune islandais fils d’un modeste paysan pêcheur de requin quand en vient la saison, orphelin ballotté entre plusieurs familles, d’abord celle d’un riche marchand puis celle d’un paysan charpentier avec lequel il partage la vie misérable et désolée du fjord. Jusqu’à l’arrivée des Norvégiens et de la pêche aux harengs qui apporte avec elle la richesse, l’espoir et la naissance d’un avenir. Le parabole de la naissance d’une nation.

Points forts

  • Une merveilleuse évocation :
    • des forces et violences de la terre et de la mer islandaises qui déterminent tout de la vie des hommes au début du XXe siècle, 
    • de la vie locale à cette période, entre pauvreté endémique et confiance dans le jour malgré la dureté  des éléments et des conditions matérielles
    • du tempérament singulier, qui perdure, d’un peuple dans le quotidien duquel s’entremêlent humour, réserve, courage, force vitale et amour de la poésie
  • Des personnages aussi attachants que les lieux, un hommage à la nature grandiose, à l’endurance et l’intelligence émotionnelle d’hommes pour lesquels les vents et les collines, la neige et les nuages sont peuplés d’êtres invisibles
  • Un roman ample, majuscule, qui oscille entre descriptions majestueuses, récit haletant, humour réjouissant, émotion et poésie. 
  • L’absence totale de pathos, à l’image d’un peuple résolument optimiste pour lequel la nature donne et reprend, dans un mouvement de balancier ininterrompu de tragique et de beauté.

Quelques réserves

Aucune. Un roman au souffle puissant, passionnant pour mieux comprendre les origines et les spécificités de cette île-pays qui a su gagner son indépendance et s’est développée en conservant  sa singularité et une démographie parmi les plus faibles du monde. 

Encore un mot...

Une superbe introduction pour ceux qui seraient tentés par un voyage en Islande. 

Une phrase

  • « Ici, personne ne commençait sa journée en se disant que la vie serait ainsi pour le restant de ses jours et qu’il était coincé dans sa misérable ferme en tourbe jusqu’à ce que mort s’ensuive. Au pays de l’imprévisible, on pouvait aussi s’attendre à d’heureux événements. Dans leur combat quotidien, les gens avaient l’espoir chevillé aux merveilles dont pouvait abonder ce pays de contrastes et d’extrêmes. (…) Au fond de lui, chaque  habitant de ce pays était convaincu qu’à tout moment, peut-être demain, sa terre pouvait s’ouvrir et que de ses flammes, sortirait un palais de contes de fées rutilant où tout n’était que luxe et plaisir, où vivait une nymphe ou un  elfe qui sentait bon le miel. Une terre capable d’exterminer toute votre famille d’un seul coup était également susceptible de vous installer sur un trône  » p. 338

  • « Gestur remarqua que la plus acharnée du groupe, Hugljuf de Hvammur, était également la plus âgée. Réputée pour son caractère revêche, elle rayonnait maintenant comme une déesse, telle une Freyja resplendissante, au milieu des harengs qu’elle étêtait et vidait comme une bienheureuse. Il suffisait de les regarder, elle et ses collègues, pour comprendre que les mots « besogne » et « corvée » n’avaient pas leur place dans cette atmosphère de kermesse. Ici, la joie scintillait , aussi éclatante que le grand soleil. » p. 434 

L'auteur

Hallgrimur Helgason, né à Reykjavik en 1959, est un artiste islandais complet :  auteur de 11  romans et d’un livre pour enfants, poète, écrivain de pièces de théâtre, peintre, essayiste, dessinateur et traducteur.

Son roman 101 Reykjavik a fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2000. 

Il a reçu en 2001 le prix de littérature islandaise pour son livre Höfundur Íslands (L'Auteur d'Islande) (non traduit en français).

Soixante kilos de soleil est le sixième  de ses ouvrages traduits en français. Avant cela,  son roman La Femme à 1000°, traduction de son roman Konan við 1000°, avait reçu en 2014 le Prix de la Traduction Pierre-François Caillé. 

Son œuvre de dessinateur fait l'objet d’expositions à travers le monde : Paris, New-York, Reykjavík.

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