Sidi
Traducteur de l’espagnol Gabriel Iaculli
Mai 2023, 352 pages
21,9 €
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Thème
Ruy Diaz de Vivar, dans cette seconde moitié du XIème siècle, est un chevalier banni par son roi pour lui avoir tenu tête lors de son sacre. En ce début de millénaire, déchiré par les luttes de pouvoirs entre petits royaumes espagnols, francs et maures, il conduit une troupe qui lui est restée fidèle pour combattre les raids menés par les maures en terres chrétiennes.
Courageux et réputé invincible, proche de ses hommes, il est amené à offrir ses services au roi de Saragosse, l'Émir Yusuf al-Mutaman, lui-même en conflit avec son frère. Sidi est le récit de cette rencontre et de ses conséquences, récit de la vie d'une troupe de mercenaires passés au service d'un seigneur musulman, récit d'une tranche de vie d'un combattant hors pair que ses partenaires appelleront Sid ou Sidi, le maitre triomphateur. C'est, selon Arturo Pérez-Reverte, la véritable histoire du Cid, personnage de tragédie mis en scène par Corneille.
Ces pages sont loin du langage précieux et des intrigues de Cour décrites par le poète et dramaturge, mais fortes de la violence et de la pestilence des combats, de la complicité des hommes, de la chaleur des routes et des lumières de l'islam Andalou, cet Al-Andalus auquel s'opposent avec une force grandissante, les royaumes chrétiens de Léon, de Navarre, de Castille, d'Aragon et de Barcelone.
Points forts
Ce roman vous met au cœur de la vie de Ruy Diaz de Vivar, de ses devoirs et de ses choix, devant la nécessité de vivre et de faire vivre ceux qui lui sont restés fidèles après son bannissement. Personnage historique attesté, réputé invaincu, il va mener, pour les besoins de sa survie, des combats audacieux qui sont la colonne vertébrale du récit. Sa rencontre avec la roi Yusuf al-Mutaman sera aussi l'occasion d'une amitié respectueuse malgré les différences religieuses et culturelles, occasion de rencontre entre deux mondes, dont le plus raffiné fut à l'époque, sans aucun doute, celui de l'Andalousie musulmane.
Ce roman brille par la description de la vie de ces mercenaires, guerriers endurcis, pour lesquels la mort est une compagne qui révèle les héros et tétanise les faibles. Beaucoup de personnages "secondaires" (les lieutenants chrétiens ou arabes) enrichissent le récit.
Quelques réserves
Bien peu de réserve pour ce roman qui mérite le terme de "cape et d'épée", même si l'équipement de l'époque était plutôt le heaume, le haubert, l'écu, la broigne, l'alfange… Vous l'avez compris, il vous faudra un peu explorer le vocabulaire militaire et guerrier de l'époque pour bien imager la reconstitution historique !
Ce n'est pas une réserve, mais une information : peu de place aux femmes dans ce récit, même si l'épouse Jimena (Chimène, bien sûr) et Rachida, sœur du roi de Saragosse, seront pour "Le Cid", deux figures inspirantes.
Encore un mot...
Bien qu'ayant accompli son "host" notamment pour servir les ambitions d'un roi maure, Ruy Diaz de Vivar n'en est pas moins une figure du Panthéon espagnol, dont la "geste" s'inscrit dans le mouvement de reconquête de la péninsule ibérique par les seigneurs chrétiens, au tournant des années 1100. Sidi est donc l'archétype du héros masculin, viril, homme d'honneur, intelligent, et redoutable combattant. En surimpression avec les archétypes du genre, ce roman vous jette avec réalisme et sans surenchère macabre au cœur des combats, des dilemmes du mercenaire, de ses choix, ses angoisses et ses élans.
Ce roman n'est donc pas une digression dans l'œuvre d'Arturo Pérez-Reverte, mais la reconstitution minutieuse d'une époque "héroïque", historiquement très bien documentée et bien écrite, avec la complicité de Gabriel Iaculli, son traducteur ! On appréciera, par opposition à d'autres romans du célèbre romancier espagnol, un scénario qui ne nécessite pas une attention soutenue pour comprendre le déroulement du récit. Un plaisir simple !
Une phrase
"Si tu ne manques pas de vaincre, se répéta-t-il.
C'est ce qu'avait dit Mutaman avant de sourire et, de ce fait, tout se résumait à cela : vaincre en toute circonstance, parce que, pour le chevalier, être défait signifiât être anéanti. Pour lui et ses hommes, compagnie dont l'enseigne était à gages, sans terre et sans suzerain prêt à les accueillir, il n'y avait plus d'autre issue que de continuer à aller de l'avant, sans défaillance ni retraite possibles, comme il en avait été des Grecs au service d'un roi perse dont on lui avait raconté l'histoire quand il était enfant. Pour survivre en attendant qu'arrive un jour de Castille le pardon du roi Alphonse, une unique voie s'offrait à lui : passer par les champs de bataille à venir. Prendre les butins sur l'ennemi, tuer pour ne pas mourir. S'il ne mourrait pas en tuant. " P 164
L'auteur
Né en 1951, Arturo Pérez-Reverte a été reporter et correspondant de guerre de 1973 à 1994. Il a commencé à écrire en 1986. Il est membre de l’Académie royale espagnole depuis 2003. Il a obtenu le Grand prix de littérature policière en 1993 avec Le Tableau du maître flamand. La série des Aventures du capitaine Alatriste paraît en sept volumes de 1998 à 2012, romans historiques de cape et d’épée. On peut citer encore Le Maître d’escrime (1994), Le Hussard (2005), Cadix, ou La Diagonale du fou (2007) et Un jour de colère (2008). Également scénariste pour le cinéma et la télévision, ses romans sont traduits en 34 langues.
Cette bio du célèbre auteur espagnol est notamment empruntée à la chronique de Marie de Benoist consacrée à Deux hommes de bien (https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/romans/deux-hommes-de-bien), son roman publié en 2017.
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