RUSE
199 p. -
18 €
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Thème
Deliana qui gagne sa vie comme strip-teaseuse dans un sordide club de Sofia, se voit remercier en une heure par son mafieux de patron. Elle a le tort de lui subtiliser en partant une enveloppe contenant de l’argent et des photos compromettantes. Se rendant compte trop tard qu’elle vient de signer son arrêt de mort, elle court se réfugier chez Serge, un pigiste français qui vivote de ses articles et dont elle a divorcé quatre ans plus tôt après une union orageuse. Commence alors une cavale forcenée qui mènera le couple, reconstitué non sans pugilats, jusqu’à la ville de Ruse (dite aussi Roussé ou Roustchouk) où il espère échapper à la Mafia en traversant le Danube pour gagner la Roumanie.
Points forts
- La grande tendresse de Naulleau pour la Bulgarie, ses montagnes somptueuses et ses plaines pelées ponctuées de villages oubliés, hantée par cinq siècles de colonisation ottomane, écrasée par le communisme avant de basculer dans un capitalisme piteux qui ne l’a guère enrichie.
- L’omniprésence du noir dans ce roman noir ; Noire la mer, noire la chanson récurrente de Kornelia, noir le vent, noir le soleil caniculaire…
- La description d’une réjouissante méchanceté du milieu de l’édition parisienne qui sent vraiment le vécu avec la scène au cours de laquelle le prix Moderne est remis à l’auteur d’un Cluedo érotique entouré d’écrivains reconnus qui n’ont même pas lu les livres qu’ils ont signés.
Quelques réserves
- Des personnages insolites mais peu crédibles :
Deliana, la jeune Bulgare, abandonne des études de droit pour le striptease plus rentable ; c’est toutefois une jeune femme cultivée et parfaitement bilingue.
Serge, après avoir pratiqué en France divers petits métiers de l’écriture (il se qualifiait alors de nègre de Narcisses) vieillit en ours mutique et désabusé mais accepte de suivre dans sa fuite éperdue l’ex-épouse qu’il pensait ne plus aimer.
- Un style alambiqué et difficile à suivre, émaillé de métaphores improbables.
- Les ruptures de rythme dans la narration sont plus gênantes que de vrais flashbacks.
- Je défie les non-initiés de saisir d’emblée l’évocation inattendue de la dernière représentation au théâtre de l’Odéon, de Eraritjaritjaka, le musée des phrases d’Elias Canetti, LE grand écrivain bulgare né à Ruse qui a reçu le Nobel de littérature en 1981 pour une œuvre écrite totalement en allemand ; quant à moi, j’ai dû chercher un compte-rendu (d’ailleurs assez verbeux) sur le Net pour comprendre en quoi consistait l’événement…
- La fin ouverte voulue par l’auteur laisse plutôt une impression d’inachevé.
Encore un mot...
Un excellent critique littéraire ne fait pas forcément un grand écrivain.
Une phrase
“Au mitan du spectacle, André Wilms quittait la scène qu’il occupait seul. (…) Quelques plans distillés à bon escient sur un calendrier mural où s’affichait la date du jour et une horloge murale parachevait la mystification. Des aphorismes, pensées, notes et autres saillies égrenés par le comédien se trouvait soigneusement écarté tout emprunt à Auto-da-fé comme à Masse et Puissance, les deux œuvres maîtresses du prix Nobel de littérature 1981, soit un roman porteur d’une charge de sidération demeurée intacte plusieurs décennies après sa publication et une somme inclassable au moyen de laquelle il estimait pourtant avoir pris le siècle à la gorge.” (p. 152-153)
L'auteur
On ne présente plus Eric Naulleau, éditeur, essayiste, traducteur, critique littéraire, chroniqueur sportif et animateur télé, souvent proche d’Éric Zemmour.
Critique redouté, il a tendance à fustiger les œuvres auto fictives et à douter de la crédibilité de certains écrivains contemporains en se disant « frappé par l'anémie du roman français, extrêmement étriqué et nombriliste » tout en notant la standardisation progressive de la littérature française et la prépondérance des enjeux financiers dans le monde de l'édition.
Il tacle aussi la critique littéraire qui aurait laissé place à une simple promotion des ouvrages et parle d’une forme d'escroquerie intellectuelle qui consiste à croire que tous les livres se valent, sans hiérarchie.
A 59 ans, Ruse est son premier roman.
Le clin d'œil d'un libraire
Librairie Fontaine à Apt. Elle inonde tout le Luberon de ses conseils de lecture sur la littérature contemporaine
De Cavaillon à Apt et au-delà, les amoureux du livre et des lectures insolites, Français ou non, résidents ou touristes, aiment à rencontrer un des 4 libraires de la librairie Fontaine. Une seule librairie pour les 12 000 habitants de la bonne ville d’Apt, mais en moyenne près de 150 livres sortent chaque jour des rayons d’un des fleurons de cette belle enseigne qui compte 7 points de vente en France. Sabine Didier, jeune libraire qui a roulé sa bosse de par le monde n’est pas peu fière de nous faire connaître son coup de cœur : « La vie des Reines » de Joumana Haddad chez Actes Sud, un roman sur fond d’histoires vraies, les heurts et malheurs de quatre femmes en Irak et Syrie en guerre - 18 exemplaires vendus en 3 mois - record national. Sabine illumine ses clients tout comme la célèbre entreprise d’Apt, Blachère, N°1 de sa spécialité, illumine les Champs Elysées chaque Noël. En plein Colorado provençal, 25 000 références attendent les passionnés en quête d’émotions et d’exotisme chez Fontaine. Un détail attachant : dans une vie antérieure, Sabine, militante de la francophonie en Afrique, s’était consacrée, pour la cause, au « désherbage » de certaines bibliothèques pléthoriques de Provence. L’amour du livre mène a tout. Ah ! Si toutes les Sabine des librairies Fontaine pouvaient nous faire découvrir elles-mêmes leurs coups de cœur en direct ?
Librairie Fontaine, 16 rue des marchands 84400 Apt. 04 90 71 14 03.luberon@librairiesfontaine.com
Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour Culture-Tops
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