Quand Dieu boxait en amateur
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Thème
J’étais décidé à aimer ce livre. Pour son titre, pour le père étonnant qu’il raconte, héros déchu et retrouvé d’une époque qui s’enfonce dans l’oubli. Pour le fils aussi, l’auteur, un caractère provincial et une vocation tardive qui rompt avec les visages pâles, lisses, inodores des plumitifs en vogue, réfugiés dans le même uniforme noir que leurs mots ennuyés et creux.
C’est l’histoire d’un quartier ouvrier de Besançon, de l’amitié d’enfance de toute une vie entre un forgeron et un prêtre qui conduit le héros, très tôt orphelin et poussé par sa mère qui craint les méfaits des livres, au noble art de la boxe puis au théâtre de la paroisse où, à la demande de son ami curé, il devient, en survoltant son talent, Dieu lui-même. Avant de vivre sa propre passion : la mort d’un enfant, la plongée dans l’alcool, l’ultime déchéance.
Points forts
Comme son héros de père qui naît et mourra au même endroit, Guy Boley, par sa puissance d’évocation, prend aux tripes, pousse son lecteur essoufflé dans les cordes rugueuses d’une langue belle et vive, sentant la sueur, les larmes, la poussière, la brûlure des fourneaux. Ici le cœur bat fort, celui de l’amitié, de la solidarité, de l’amour, de la détresse aussi.
Au milieu de l’entrepôt ferroviaire, sur l’enclume comme sur scène, dans le quotidien gris de la fatigue comme dans la ferveur simple de la vie familiale et des fêtes colorées de patronage, l’histoire porte la marque de la nostalgie.
Perce l’effort de ces innombrables vies populaires que la lecture, les rêves, les passions et la foi poussent à vivre au-delà de leur condition et à transcender leurs limites.
Beaucoup de mots portent, les images émues frappent à l’âme et rendent à ce père, collectionneur de mots longtemps abandonné à sa honte, la tendresse fière du petit enfant juché sur ses épaules et l’émoi de la vigoureuse étreinte des retrouvailles.
Quelques réserves
Entre le début à la fois déroutant et passionnant et la fin poignante et magnifique d’une oeuvre digne d’un grand prix littéraire, j’ai eu un passage à vide au moment où le héros quitte le ring pour rejoindre douloureusement l’estrade. Comme le boxeur sonné, j’ai tenu tête et je n’ai pas été déçu.
Encore un mot...
On est loin ici du petit Marcel Pagnol et de la gloire poétique et parfumée de son père instituteur sous le ciel bleu de Provence. La Franche-Comté, à la fois rurale et industrielle, offre un décor âpre et puissant à la grâce virile de ce court roman tout en muscles. Champion de France de boxe amateur, premier rôle inspiré d’un péplum religieux, amoureux du dictionnaire Larousse, René, ce père qui se désespéra de ne l’être qu’une fois, notait dans un carnet les mots qui survivront à sa chute. L’auteur en a tiré un vibrant hommage. Un livre comme un cadeau à ce père retrouvé, comme le frère qui lui a manqué.
Une phrase
Ou plutôt quatre:
- "Tu entends cela, René : le combat de ta vie, chaque jour renouvelé !"
- "Mon père parvenait à jouer, enfin, quelqu’un d’autre que lui."
- "Je passais comme un orage au milieu de leur chagrin, je savais que leur vie n’allait plus du tout".
- "Une fois qu’on est devenu Dieu, il est interdit de déchoir"
L'auteur
Guy Boley, né en 1952, a fait mille métiers de saltimbanque avant de se consacrer à l’écriture comme homme de théâtre et romancier. Son premier roman, Fils du feu, publié chez Grasset en 2016, a été couronné par de nombreux prix littéraires.
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