
Presque tout Corneille
Parution le 22 janvier 2025
110 pages
17, 50 €
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Thème
Voici un petit roman dont on ne sait s’il s’apparente au “cluedo“ ou à un pastiche d’Agatha Christie: dans un hôtel de villégiature, en Corse, un journaliste retrouve le patron d’un journal qui l’a licencié, vingt ans plus tôt. Il n’a de cesse de se venger en humiliant l’individu en question qui lui est inférieur dans toutes sortes de jeux, de la natation aux échecs. Son souffre-douleur est assassiné, décapité. Qui est l’assassin?
Apparaissent aussi dans cette affaire une jeune femme qui a entrepris de lire l’intégralité des pièces du grand Corneille, un fier à bras qui finit également décapité, un inspecteur de police assez étrange… Le tout en 110 pages.
Points forts
C’est drôle, grinçant et décalé. Bien entendu, il n’est pas indispensable de croire à l’histoire ou de donner de la réalité aux personnages. Le lecteur comprend très vite que c’est un exercice de style qui n’a de roman que le nom et la forme. Quant à Corneille, il ne fait dans cette affaire qu’une apparition périodique et sans autre intérêt pour le lecteur que de justifier le titre.
Patrick Besson a du métier: son argument est mince, son intrigue sans intérêt, son suspens inexistant… et pourtant il parvient, grâce à la construction de son ouvrage, à son écriture, à susciter la curiosité du lecteur. Il y a chez Besson une ironie et un humour qui s’apparentent au non sens britannique et réjouira les pratiquants du second degré. Il écrit sous forme de courts passages qui lui permettent de sauter du coq à l’âne, tout en faisant de chaque paragraphe un petit chef-d'œuvre de férocité.
Les personnages sont autant de caricatures de ceux que l’on rencontre dans les romans contemporains: la jeune femme obsédée par Corneille, la veuve joyeuse, le sportif aux méninges atrophiées, le flic soupçonneux et inefficace…
Quelques réserves
On peut ne pas goûter ce genre de littérature et marquer une prédilection pour le genre profond, préférer Guerre et Paix à Point de Lendemain, Tolstoï à Vivant Denon.
Mais dans le genre sarcastique, notre auteur s’en tire plutôt bien.
Encore un mot...
Une comédie de mœurs, assez jubilatoire, amorale, dont se délecteront les lecteurs adeptes du second degré.
Une phrase
- « Au cours des trente derniers jours, vingt-neuf scies avaient été achetées dans l’île, dont cinq payées en argent liquide. L’un de ces cinq acheteurs devait être l’assassin. À moins qu’il - ou elle - ne se fût servi d’une vieille scie qu’il lui aurait suffit de bien aiguiser pour en faire une arme tranchante. » Page 34
- « Les filles du mort font la fête à Laforêt. Les enfants, gênés par rien et notamment pas par l’accent canadien, se distraient bientôt à l’imiter, pour le grand amusement de Laforêt. Réel ou feint? L’impossibilité de reconnaître, chez un Canadien français, la vérité du mensonge. Ont toujours l’air de raconter une histoire drôle, même si c’est le récit de l’enterrement de leur mère. » [Laforêt est l’amant de la veuve]. Page 64
L'auteur
Auteur prolifique de romans, couverts de prix (Académie française, Renaudot…), auteur d’essais, Patrick Besson est aussi journaliste, collaborant au Point et à d’autres journaux. Né d’un père russe et d’une mère croate, il a pris des positions tranchées, notamment dans le conflit yougoslave, suscitant la polémique. Il est parfois accusé de complotisme et n’hésite pas à porter le fer contre des personnages révérés par le microcosme, comme Annie Ernaux ou Eva Joly.
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