Phénomènes naturels

Il nous a habitué à mieux
De
Jonathan Franzen
Editions de l'Olivier - 681 pages
Notre recommandation
2/5

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Thème

Alors que chacun vit une vie plus ou moins passionnante  - Louis, passionné de radio, sa sœur Eilen avec laquelle il ne s’entend pas trop, Renée étudiante en sismologie, le révérend Strites - survient dans la région de Boston, aux Etats Unis, une série de petits tremblements de terre. Rien de bien méchant, sauf que la grand mère de Louis en est la première et unique victime. Sur le terrain d’une succession fortunée qui a pour cadre une famille plutôt déchirée, chacun va vivre, subir ou analyser cet événement et ses répliques, jusqu’à ce qu’instille un doute sur sa cause : naturel ou induit. Induit, mais par quoi ? Au fil des pages, la sismologie aidant, une théorie s’échafaude dans la banalité des vies des protagonistes, jusqu’à devenir une thèse, une probabilité, voire une vérité, qui si elle demeure difficile à prouver, n’est peut-être pas bonne à dire. Et la petite ville de Peabody, au nord de Boston, devient l’épicentre, au sens propre comme au sens figuré, d’une intrigue politico-industrielle majeure.

Points forts

1- Une description de la société américaine des années 90, sans concession sur ses excès, son appétit de consommation, sa vacuité aussi. Mais une description riche de métaphores et de formules originales pour écrire de façon poétique la banalité du quotidien, la monotonie ou la laideur des environnements, la beauté aussi des instants fugaces.

2- Un roman qui dénonce (fort loin dans le récit...) les conséquences d’un capitalisme industriel, que les mouvements écologistes, dans les années 80, commencent à combattre.

3- Une intéressante lucarne ouverte sur la société bourgeoise et étudiante de l’Est américain dans ces deux décennies qui ferment le siècle. Relations amoureuses et familiales, emprise grandissante des mouvements religieux, et en particulier des ligues anti-avortement, hypocrisie des industriels face aux nouvelles réglementation en faveur de la protection de l’environnement...

4- Un déroulement étrange, un sujet original, une intrigue bien ficelée.

Quelques réserves

1- Il y en a un, et il est majeur: il faut tenir jusqu’aux pages 378/ 380 pour comprendre l’intérêt de l’histoire et qu’il commence à se passer (enfin) quelque chose. Faites le calcul, sur 681 pages, c’est plus que la moitié...

2- Alors que se passe-t-il dans les 370 premières pages ? Rien ! Les protagonistes de l’histoire passent devant vos yeux, vivent leurs vies, étalent leur manque d’amour et de confiance (cela m’a rappelé le récit sans fin des mal-être de Théo Decker, héros du "Chardonneret", roman de Dana Tartt publié en 2013), leurs indécisions, leurs déchirements et la litanie de toutes les marques et enseignes qu'ils croisent ou utilisent... En 50 pages, nous aurions largement compris les jeux de rôles, et cela aurait suffit.

3- Soyons fairplay, ce très long retard à l’allumage trouve quand même un sens pour apprécier les 300 pages qui restent, qui ne manquent pas d’actions et de rebondissements inattendus.

Encore un mot...

Voici un étrange voyage sur la côte Est des États-Unis, au milieu des années 90. Pour en tirer la substance, il faut quand même accepter de le mener au delà des pages 380 ! En décors à l’intrigue, les grands débats de la société de l’époque sont là, famille et société, libertés individuelles et libertés collectives, féminisme, mouvements religieux et sectaires... Personnages, situations et événements témoignent du questionnement de ces libertés, percutées par le refus du profit au détriment de l’environnement ou de la liberté des peuples (la mauvaise conscience de la spoliation des peuples amérindiens...), la liberté de disposer de son corps confronté à la puissance des sentiments religieux... Dans cette société aux conformismes hypertrophiés, Jonathan Franzen nous fait partager une tranche de vie quotidienne à l’issue de laquelle on ne sait trop si les « phénomènes naturels » témoignent de la fragilité de nos sociétés industrielles ou de la capacité d’une société à retrouver son équilibre après une période de traumatismes. Ambigüités qui font de ce roman un récit particulièrement acéré, cynique, parfois drôle, souvent juste. A condition d’avoir envie de se plonger dans ces vicissitudes !

Une phrase

Ou plutôt deux::

- « Il existe une odeur spécifique, une odeur ancienne, humide et mélancolique qui se dégage de Boston après le coucher du soleil, lorsque la température est fraiche et qu’il n’y a pas de vent. La convection la ramasse sur les eaux écologiquement perturbées de la Mytic et de la Charles ainsi que des lacs. Les filatures à l’abandon et les scieries en sommeil de Waltham la diffusent. » P 269

- « L’avion grimpa à nouveau d’un coup, soulevé par un courant d’air chaud. Le régime du moteur changea et se stabilisa ainsi.
- C’est possible cria-t-elle ?
Il marqua un temps avant de répondre.
- Pourquoi vous voulez aller chez Sweeting- Aldren ?
Elle allongea le coup comme pour vérifier la carte.
- Ah bon, ? C’est chez Sweeting- Aldren ?
- Vous avez une raison en particulier ?
- Je cherche des formes de relief... »  P 388

L'auteur

Jonathan Franzen est un écrivain et essayiste américain. « Phénomènes naturels »  est son second roman, publié aux Etats unis en 1992 sous le titre « Strong Motion ». Les succès en 2001 de « The Corrections », de « Freedom » en 2010 et de « Purity » en 2015, lui vaudront plusieurs prix littéraires aux Etats Unis. Consacré en 2010 par Times Magazine comme grand romancier américain de son époque, il est apprécié par la critique pour ses descriptions sans concession de la société américaine (un point de vue intéressant quand on sait qu’il a fait toutes ses études supérieures à Berlin et parle couramment l’allemand) et son sens particulier de l’intrigue.

Commentaires

Bertrand Devevey
ven 05/10/2018 - 16:21

"Phénomènes naturels" est la première édition française, inédite avant mars 2018, du roman second roman de J. Franzen, Strong Motion, publié aux Etats Unis en 1992.

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