Patronyme
Parution le 2 janvier 2025
365 pages
22 euros
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Thème
A la mort de son père, avec qui le lien s’est effiloché depuis de nombreuses années pour n’être plus qu’un rapport verbal épisodique et souvent conflictuel, Virginie S., l’autrice de ce roman, se retrouve, seule descendante, confrontée à la nécessité de pénétrer dans l’appartement où cet homme a vécu et où il a été retrouvé, mort dans son canapé...
C’est bien sûr un moment d’une lourdeur émotionnelle totale et de la prise de conscience de cette rupture finale, dans ce lieu d’une vie délabrée, capharnaüm absolu au milieu duquel Virginie va être immergée pendant de longues journées pour trier, jeter et retrouver divers documents et photos dont la teneur va vite déclencher en elle une interrogation sur le passé de ce père qu’elle ne connaît qu’au travers de ce qu’il a bien voulu montrer.
Et le mystère du personnage, fantasque, mythomane et atrabilaire, n’en est que plus troublant !
Un malaise s’installe rapidement, amplifié à la découverte de clichés de son grand-père paternel, d’origine tchécoslovaque et plus précisément des Sudètes, affublé de tenues vestimentaires marquées de divers symboles nazis.
Ces deux ascendants, dont elle porte le nom et dont elle comprend très vite qu’il a été modifié au gré de l’Histoire, vont l’aspirer dans une enquête familiale éprouvante mais nécessaire pour tenter de comprendre une filiation généalogique naturellement imposée...
Points forts
Au-delà de la douleur du deuil, au-delà de la déstabilisation affective liée à la disparition de son géniteur et à une forte perturbation au vu des souvenirs graphiques ou photographiques exhumés de divers dossiers ou cartons, au-delà de l’effroi généré par la suspicion chez son grand-père d’avoir participé à l’action d’un régime politique barbare, l'auteure nous emmène dans sa recherche d’une vérité avec la hargne de savoir, le désir de comprendre et quelque part l’espoir d’être capable de pardonner.
Et le texte est nimbé en permanence de la sincérité de la démarche, de l’ampleur du courage indispensable et d’un rythme forcené lui conférant l’audace du limier sur les traces de l’intrigue !
Quelques réserves
La multiplicité des pistes de recherche auprès des membres de la famille de Virginie S. encore vivants en France ou en Tchéquie, les requêtes confiées à divers organismes possesseurs de documents historiques consultables et pour certains d’entre eux récemment déclassifiés, le croisement de données patronymiques complexes et variables selon les époques, donnent au texte une touffeur dans laquelle on peut un peu se perdre. Prendre quelques notes-repères tout au long de la lecture n’est pas inutile !
Encore un mot...
Patronyme : le titre de ce « roman-enquête » est explicite. Le nom de chacun d’entre nous est un héritage obligé, porteur d’un double devoir, celui d’en assumer la teneur et celui d’en assurer la transmission. Ce concept énoncé implique à Virginie Springora de se heurter ici à une double difficulté : est-on responsable des agissements de nos prédécesseurs et faut-il poursuivre l’œuvre de filiation patronymique dès lors que le nom est entaché ?
Chaque page du livre met le lecteur au pied de ce mur psychanalytique, tiraillé entre une approche freudienne œdipienne et lacanienne, opposant la réalité au réel.
Et on retombe, comme très souvent, dans cette dualité de pensée, celle d’aujourd’hui consciente et celle d’hier, de nos pères, en gardant toujours à l’esprit l’axiome premier : l’Histoire fait l’homme.
Une phrase
« Puisque notre nom se révèle nous appartenir si peu, puisque, comme pour l’existence, nous ne faisons que l’emprunter, puisqu’il doit rester derrière nous, tandis que nous ne sommes que de passage, en quoi nous est-il « propre » ? ». Page 342
L'auteur
Virginie Springora est née en 1972 à Paris.
Elle est éditrice et écrivaine.
Patronyme est son deuxième roman.
Le premier et très remarqué, Consentement, publié en 2020 chez Grasset, témoigne de son passé de jeune adolescente sous l’emprise de Gabriel Matzneff et a été un révélateur des relations toxiques et perverses de certains adultes envers de jeunes personnes, ouvrant la voie à leur judiciarisation.
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