PAPA
200 p.
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Thème
Sept secondes sont à l’origine de ce récit autobiographique, celles d’un documentaire vu en 2018 à la télévision. Régis Jauffret y reconnaît avec stupeur son père terrorisé, arrêté par des gestapistes et traîné jusqu’à une Citroën noire, en 1943, devant l’immeuble qu’il a habité à Marseille pendant toute son enfance. Personne n’a jamais évoqué cette arrestation dans sa famille. Et si son père était un personnage de roman ? Depuis des années, il ne pensait même plus à lui, disparu en 1987. Or là, tout à coup, ces sept secondes réveillent en lui « cette inextinguible soif du père ». Pour le ressusciter, il se plonge dans le passé. Il raconte le mariage de ses parents, leur voyage de noces, sa naissance, son enfance. Il dresse un portrait sans complaisance de ce « pauvre Alfred », un personnage terne, dépourvu du moindre talent, sans passé, sans projets, sans amis. Enfermé dans sa surdité et abruti de médicaments anti-dépressifs, il mène une existence médiocre et semble indifférent à son entourage. Son fils ne retrouve que des souvenirs rares et minuscules de complicité avec lui. Mais il refuse de se contenter de ce père insignifiant ; il veut restaurer son image pour qu’il corresponde à son désir de l’admirer et de l’aimer. Il va ainsi relire le passé, le façonner, le repeindre à sa manière, il ira même jusqu’à inventer des épisodes plus lumineux et plus glorieux !
Points forts
• Régis Jauffret considère l’écriture autobiographique comme « une forme d’incontinence » et une démarche impudique. Et pourtant il nous livre ici cette partie de lui-même dont il avait honte jusque-là.
• Malgré ce père inexistant, il juge son enfance heureuse. En tout cas, il se sent beaucoup plus proche de sa mère et de « l’amour prodigieux » qu’elle lui a voué.
• Son travail de romancier consiste, d’après lui, à arranger le passé, à le réécrire pour donner naissance à un autre père, celui de ses rêves.
• La forme originale grâce aux tirets, qui établissent une sorte de dialogue avec lui-même, est très littéraire et très réussie.
Quelques réserves
• Certains pourraient être choqués par l’évocation crue de la sexualité de ses parents, sujet tabou par excellence.
Encore un mot...
Régis Jauffret a abandonné son ton caustique et acerbe pour nous proposer un récit familial sous la forme d’un roman poignant. Réécrire le passé rappelle le « composons » de Jean-Jacques Rousseau dans les Confessions. La réalité et la fiction, le vrai et le faux, la platitude et le romanesque se mêlent dans cette quête singulière de ce père introuvable, qui s’apparente à un cri d’amour. Le lecteur sera touché par ce livre très personnel et fasciné par la magie de cette belle écriture rythmée par les fameux tirets.
Une phrase
« Je projette de le restaurer sur les ruines de ma mémoire … Alfred n’existait pas beaucoup, il existait à peine. » p.80
« Que serait le passé s’il était un verdict sans appel, si on ne pouvait le récrire comme un conte cruel bâclé par un saligaud et en faire une féerie. » p. 198
« Pendant que j’en écrivais le récit je me suis rapproché de toi … La littérature m’a comblé. » p.199
L'auteur
Né en 1955, Régis Jauffret est l’auteur d’une vingtaine de livres, dont Univers, univers, prix Décembre 2003, Asiles de fous, prix Fémina 2005, Microfictions, Grand Prix de l’humour noir 2007, Cannibales (2016), Microfictions 2018, prix Goncourt de la nouvelle 2018.
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