Où vont les fils ?

Un père seul avec ses 3 fils
De
Olivier Frébourg
Mercure de France
155 p.
Notre recommandation
4/5

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Thème

C’est l’histoire d’un désastre intime, d’un effondrement intérieur, d’une défaite honteuse : un homme aimé, « désaimé », abandonné, déshonoré, tué ! La mère de ses trois enfants l’a quitté brutalement à la fin d’un été sans prévenir. Il reçoit le jour de son anniversaire une demande de divorce, sans comprendre les raisons de ce départ précipité, même s’il se reproche une sorte de comédie, d’imposture, voire quelques excès. Esseulé avec ses trois fils, il crie sa douleur atroce, tout en considérant qu’elle seule permet aux êtres de se révéler. Le voilà confronté à un planning serré : il se noie dans la logistique. Hanté par le manque, il parcourt les allées des supermarchés pour nourrir ses enfants. La nuit, il guette les bruits de la chaudière pour les protéger du froid. Il tente vainement de combler le vide laissé par l’absence de leur mère.

Il inscrit son drame personnel dans le contexte de sa génération, dont il dresse un tableau sans concessions. Il passe du « je » au « nous » pour souligner la disparition de toute grandeur, de tout romantisme, au profit d’un « nouveau monde » de néo-libertaires individualistes aux horizons rétrécis. Au milieu de ce champ de ruines, que peut-il transmettre à ses fils, lui qui a tant reçu de son enfance heureuse au sein d’une famille unie ?

Points forts

• La solitude du père avec ses enfants passe par des éléments très concrets, parfois drôles, comme l’enfilage des chaussettes ou le siège-bébé impossible à installer … 

• Il utilise des mots très forts pour condamner sa génération « déconstructiviste », il évoque une « époque de massacre », considère que plus rien ne tient : le mariage, le sacré, l’Eglise catholique, l’amour, l’amitié, la fidélité, la mémoire, les livres, les photos-papier, tout se délite ! Il cible l’ère technologique, les réseaux sociaux qui enflamment les egos, et plus profondément, la guerre des sexes, la guerre économique ou le terrorisme religieux. 

• Pour se consoler, il se tourne vers son passé en Martinique, il revoit son enfance comme un paquebot à « la ligne blanche sur le bleu épais de la mer. La lumière, partout. ». Il se souvient aussi des ses voyages exaltants de grand reporter en Extrême-Orient. Il se réfugie enfin au pied de la Vierge Marie ou de Saint Antoine pour supporter son propre calvaire. 

• On reconnaît l’éditeur cultivé à travers les nombreuses références littéraires, mythologiques et historiques, auxquelles s’ajoutent les films de Claude Sautet et la musique très présente.

Quelques réserves

• Est-ce un roman ? On peut se poser la question, tant le ton est sincère.

Encore un mot...

Olivier Frébourg nous propose un livre bouleversant et pudique, loin du règlement de compte. Il tente d’analyser les causes de cette séparation tragique, en accusant sa propre génération avec lucidité et courage. Nostalgique d’un passé idéalisé, il regrette de ne pas avoir donné à ses enfants le bonheur dont il rêvait. Pourtant quelques instants de grâce partagés avec eux et la transmission finale du palmier symbolique ne sont pas dépourvus de poésie.

Une phrase

• « Le bonheur profond, ample, souple d’une famille qui se déploie comme une voile m’avait quitté. » p.31 

• « Nous n’étions pas des guerriers. Nous allions vivre une époque de tueuses et de tueurs. » p.39 

• « Un jouet sans enfant est une nature morte. A chaque retour de mes fils à la maison, je ne récupère qu’une moitié d’enfant. L’autre est restée chez leur mère. » p.74 

• « Quand je pense que je suis parti avec elle sur les traces d’Hemingway à Cuba. Désormais, ma vie sur le front extérieur se partage entre Carrefour et Monoprix. » p.95

L'auteur

Journaliste, écrivain et éditeur, Olivier Frébourg, né en 1965, a été directeur littéraire des éditions de la Table Ronde de 1992 à 2003 et il a fondé les Editions des Equateurs en 2003.  Il a publié, entre autres, Roger Nimier, le trafiquant d’insolence (1989), Port d’attache (1998), Maupassant le clandestin (2000), Gaston et Gustave, prix Décembre (2011) et La grande nageuse, prix Jean-Freustié  (2014).

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