Nous sommes immortelles
Parution le 23 août 2024
492 pages
22.90 euros
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Thème
Magie, divination, rituels sanglants, forces cosmiques et souterraines tissent la trame de cette odyssée diablement ésotérique.
Le roman prend pour cadre le quartier de la Goutte d'Or dont les métamorphoses au cours de l'Histoire n'ont en rien entamé l'identité profonde. Des forces mystérieuses y sont à l'œuvre qui semblent conférer à ses habitants d'étranges pouvoirs. Tel est le cas de Janis, la fille asociale de Jeanne. Artiste hermétique, lectrice compulsive, passionnée de Brueghel l'Ancien et de ses diableries, véritable puits de science, elle est à la fois spectatrice et victime de phénomènes parfois terrifiants. Sa mère Jeanne, quant à elle, a traduit, sous le pseudonyme de Lysistrata, un brûlot féministe rédigé par une infanticide internée depuis des décennies aux Etats-Unis. L'ouvrage fait l'objet d'un véritable culte dans un monde que la démesure du pouvoir masculin a mené à une catastrophe écologique.
Comment Jeanne et Carol Shäffer, l'auteur de L'affliction de Médée ont -elles bien pu entrer en relation? Pourquoi Jeanne disparaît-elle subitement? Qui est-elle au fond? Afin de dissiper ces mystères et bien d'autres encore, l'auteur explore la vie passée de Jeanne, un parcours initiatique grâce auquel elle prendra conscience de sa nature de femme et de sorcière. De l'enfance aux portes de l'église Saint Bernard à un Women's camp californien , en passant par Hollywood ou le campus de l'université de Vincennes, le chemin sera semé d'énigmes, d'épreuves, de révélations et de sacrifices qui, loin de l'affaiblir, renforceront sa liberté et sa détermination.
Points forts
Ce roman où se mêlent Histoire, fiction et récits légendaires, a le mérite de nous éclairer sur des événements passés comme la répression à Paris des manifestations au moment de la guerre d'Algérie, l'histoire de la Goutte d'Or, la Commune... Surtout il apporte des informations précieuses sur les organisations féministes américaines les plus radicales de la fin des années 70. L'ouvrage est d'ailleurs placé sous l'égide de Starhawk, auteure américaine représentante active de l'écoféminisme et du wiccanisme dianique dont les thèses sont largement développées par P. Darkanian. Très érudit, le livre est bien écrit dans une langue parfois savante qu'on a plaisir à re-découvrir.
Quelques réserves
La dimension historique foisonnante du livre l'emporte trop souvent sur la fiction qui peine à retenir l'attention du lecteur. Certes l'intrigue appelle la répétition car le temps semble s'y dilater jusqu'à s'évanouir dans un éternel présent, celui de la condition de la femme -sorcière,figure universelle et permanente qui transcende les bouleversements historiques. Ainsi, l'imbrication des temporalités rend le propos parfois confus et oblige l'auteur à céder à certaines facilités dans la construction de l'intrigue. L'immortalité se réduirait-elle à un éternel recommencement ? Il n'est pas certain qu'Alain Bashung, auquel l'auteur emprunte en le féminisant, le titre d'une chanson posthume, ait souhaité en accepter l'augure.
Encore un mot...
On aura compris que ce livre inclassable dépasse le seul genre romanesque. L'impressionnante bibliographie non exhaustive qui y figure témoigne, s'il en était besoin, de l'énorme travail de recherche effectué par l'auteur. Chaque lecteur est donc assuré d'y faire des découvertes et de beaucoup apprendre s'il veut bien se laisser surprendre.
Une phrase
« Les vraies sorcières ne sont pas des femmes de pouvoir, le vrai pouvoir est ailleurs et il est secret. »
« J'ai entendu un cri! Un cri infini qui passait à travers l'univers et qui déchirait la nature.»
L'auteur
Pierre Darkanian, avocat de formation, a 40 ans. Son premier roman, Le rapport chinois (2021, Anne Carrière) a reçu le prix Transfuge 2021, Meilleur Premier Roman. Nous sommes immortelles est son deuxième roman. Il souhaite dans cet ouvrage explorer des lieux et des figures de la marginalité. Il avoue par ailleurs souffrir, à l'instar du personnage de Janis, de crises de paralysie du sommeil accompagnées du «syndrome de la vieille sorcière»...
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