Never Mind

Spécial rentrée littéraire - Une fresque historique dramatique et émouvante : attentat manqué contre Bonaparte, Premier consul, et destinée exceptionnelle de l'un de ses auteurs
De
Gwenaële Robert
Robert Laffont, collection Les Passes-Murailles
350 pages
20 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Paris 1800, le Consulat. Les cendres de la Révolution fument encore et tous les Français ne considèrent pas le Premier consul comme un homme providentiel. Les temps sont incertains, toutes les espérances animent les partis politiques. Les jacobins rêvent d'une république et les royalistes souhaitent le retour des Bourbon. Les complots et les tentatives d'attentats contre Bonaparte s’enchaînent. Fouché, ministre de la police, traque les « anarchistes » jacobins et les monarchistes complotistes.

Rue Saint-Nicaise le soir du 24/12/1800, Bonaparte en route pour l'opéra échappe à un attentat chouan organisé par trois Bretons, le chevalier Joseph de Limoëlan, Carbon et Saint-Réjant. Une charrette attelée contenant un tonneau rempli de poudre explose juste après le passage de la voiture du Premier consul. Cette

« machine infernale » fait de nombreuses victimes; dont une petite vendeuse de légumes de la rue Richelieu immolée sciemment par Saint-Réjant. Celui-ci lui demande, moyennant quelques sous, de venir rue Saint-Nicaise tenir la bride de la jument pour que l'attelage reste bien en place sur la chaussée jusqu'à...son retour ! Cette initiative soudaine de Saint-Réjant sauve Bonaparte. Guetteur au coin de la rue Saint-Nicaise, Limoëlan est pétrifié par la vision inattendue de la fillette à côté   de la charrette. Il ne lève pas le bras comme convenu pour annoncer l'arrivée de la voiture consulaire et Saint- Réjant allume la mèche en retard.

 Carbon et Saint- Réjant seront guillotinés. Limoëlan caché dans des souterrains échappe à la police de Fouché, se convertit, et gagne l'Amérique où il est ordonné prêtre en 1812 sous le nom de l'abbé Picot de Clorivières. À Georgetown, on le surnomme Never Mind (ce n'est pas grave) car il répond doucement ainsi aux paroissiens qui lui confient leurs problèmes ou leurs erreurs. Ce qui signifie pour ce homme rongé de remords de l'attentat mais sauvé par la miséricorde divine que ce n'est pas grave car « tout est Grâce ». Il meurt à 58 ans le 29 septembre 1826 à Georgetown -où il est encore de nos jours vénéré comme un saint.      

Un des thèmes de ce roman est la mise en balance de la rédemption de Limoëlan et de la justice selon Fouché, attaché à satisfaire Bonaparte. L’élévation spirituelle de Limoëlan le libère peu à peu de son crime mais l’ambition de Fouché le conduit à s’enfoncer dans le crime. En effet, une répression aveugle suit cet attentat. Les arrestations arbitraires se multiplient et emportent des familles dans le tragique de l’Histoire.

 Gwenaëlle Robert évoque, bien sûr, Napoléon ainsi que, au passage, Talleyrand, le duc d'Enghien, Joséphine, et met en scène la vie de petites gens qui ne mesurent pas toujours l'ampleur des événements politiques dont ils risquent d'être victimes.

Points forts

Le style vif et la narration bien rythmée : 65 courts chapitres s'enchaînent en une sorte de diaporama des années 1800/1801 (comme par exemple : retour des émigrés, muscadins au Bal des Victimes, offices religieux clandestins, indicateurs de Fouché, cohorte d’innocents déportés aux Seychelles et aux Comores).
La verve romanesque sensible, captivante du récit.
La photo de la sépulture du père Joseph Picot de Clorivières à Georgetown et la traduction de la superbe épitaphe inscrite sur la pierre tombale.

Quelques réserves

Je n'en vois aucun.

Encore un mot...

En guise de préambule, Gwenaëlle Robert nous avertit : «  Ce livre est un roman. S'il s'appuie sur des faits réels et si la destinée de Joseph de Limoëlan est, pour ce qu'on en sait, conforme à celle relatée dans ce texte, il ne saurait prétendre à la rigueur des livres d'histoire et autres ouvrages à caractère documentaire ».      Certes Never Mind n'est pas un essai mais il s'agit d'une œuvre littéraire précisément documentée; et qui, comme toute bonne littérature, s'attache à donner chair aux évènements et à sonder les sentiments des personnages. D'après Gwenaëlle Robert, seules quelques histoires individuelles imaginées à partir de noms cités dans les minutes du procès de l'attentat sont romanesques.

Une phrase

-  Il [Fouché] garde un souvenir amer de leur entrevue, la veille, quand, au retour de l'opéra, le Premier consul l'a fait appeler au palais. En rentrant dans son bureau, il ne s'est pas départi de son sourire finement moqueur. Bien sûr, il savait tout. L'attentat, les victimes, les morts, la gamine à la charrette...ça ne l'a pas ébranlé. C'est une chose fâcheuse, certes, mais impossible à prévoir, a-t-il commenté d'un ton calme. Bonaparte, lui, fulminait. Il voulait des noms, exigeait qu'on lui remette la liste des jacobins suspects. Fouché a protesté faiblement, convaincu que l'explosion était l'oeuvre des royalistes. Ses agents lui rapportent chaque jour des rumeurs d'attentats, le retour d'anciens chouans à Paris, d'ailleurs Cadoudal…  Mais le général corse ne voulait rien savoir. Il s'entêtait. Des royalistes? Sacrifier une enfant une nuit de Noël? Il n'en croyait rien. Ni nobles, ni prêtres, ni chouans. C'était un coup des anarchistes. Qu'on les déporte au plus vite. (p.116)

Les jours passent, il [Limoëlan] ignore depuis combien de temps il est caché sous terre. Il attend. Il prie. On dirait que le monde l'a oublié. Certains soirs, il est presque paisible, pas tout à fait pourtant. Pour connaître la paix, il faudrait la partager avec d'autres. Or il est seul, irrémédiablement coupé de la communauté des hommes dont il se sent indigne. Pour tromper sa solitude, il sculpte dans la roche les visages qui l’escortent, ceux de son tribunal intérieur. Il commence par la vieille jument avec ses yeux si résignés qu'on dirait ceux d'un âne, son échine courbée, sa crinière clairsemée. Puis, dans une pierre plus tendre que les autres, il fait surgir la silhouette de l'enfant. […] On dirait l'ange d'un bas-relief gothique dont le visage s'éclaire d'un sourire triste. C'est elle, telle qu'elle apparaît dans ses rêves, dans sa conscience éprouvée, c'est elle dans toute son innocence, dans toute sa misère. Il souffle la chandelle et cache son visage dans ses mains. (p.239)

L'auteur

Gwenaëlle Robert est professeur de lettres, elle vit à Saint-Malo. Never Mind est son troisième roman, après Tu seras ma beauté et Le dernier bain, lauréat de six prix littéraires dont le prix Bretagne.

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