M'man
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Thème
Mariée précipitamment à Gervais, petit chef de bureau, à la veille de la deuxième Guerre Mondiale, Jeanne, fille du peuple banlieusard, découvre la vie de mère de famille et de femme au foyer.
Les trois enfants qui leur naitront grandissent au gré des promotions de Gervais et des progrès que le siècle apporte. Le quotidien de Jeanne, soumise et consentante, fait de grands riens et de petits rêves, se trouvera bouleversé à l'heure de la retraite de Gervais, quand le calme pesant de leur inhabituel tête à tête sera troublé par les voyages organisés et les soucis du grand âge.
Points forts
- Une belle traversée du siècle qui relate en cent courts chapitres les tranches d'une humble vie. De la Libération à la banlieue qui s'urbanise, de l'arrivée de la télévision aux ventes par correspondance, les personnages habitent parfaitement leur quotidien.
- Le vocabulaire très riche et précis de ce récit sans dialogues donne aux pensées et gestes de Jeanne une saveur et une consistances indéniables.
Quelques réserves
- La longueur de certaines phrases qui rendrait fou un élève cherchant le sujet, le verbe et le complément...
- Il est difficile de s'attacher à ce couple sans passion et sans grande originalité.
Encore un mot...
Si l'on pénètre derrière les volets clos de la vie familiale dans une modeste maison de banlieue avec un certain délice voyeur, on est néanmoins ébranlé par ce quotidien dépourvu non pas de grâce mais de joie profonde. Des images à la Doisneau viennent à l'esprit quand nous sont décrites les journées dans la banlieue d'après-guerre mais ce sont à des héros de Zola modernes que l'on pense lorsque s'éternisent les repas silencieux devant la télévision et que surviennent et la maladie honteuse d'un fils et la démence d'une mère. Le regard âpre mais bienveillant de l'auteur sur cette vie sans éclat, tout comme les ravages de l'individualisme et de la tyrannie du divertissement innocentent Gervais et Jeanne que l'on voudrait déloger de leur car de touristes et à qui on ferait bien éteindre leur téléviseur...
Une phrase
"Puis, dans l'attente du retour de son homme, comme dit la chanson, elle trempe des langues-de-chat dans un demi-verre de vin cuit, devant le téléviseur où défilent des images du monde réel que son œil indifférent peine à distinguer des feuilletons diffusées à l'intention des femmes au foyer (...). Comment croirait-elle qu'on puisse quelque chose aux guerres, aux famines, aux épidémies, quand elle-même est incapable d'infléchir d'un millimètre sa propre trajectoire?"
L'auteur
Né en 1938, Claude Durand dut surtout sa notoriété à sa carrière d'éditeur ; il dirigea Fayard de 1980 à 2009. S'il découvrit en 1967 Gabriel Garcia Marquez dont il traduisit Cent ans de solitude avec sa femme Carmen, il fut aussi celui qui fit connaitre à l'Occident Alexandre Soljenitsyne en publiant L'Archipel du goulag, en 1973.
Auteur de plusieurs livres dont La Nuit zoologique (Prix Médicis 1979), et J'aurais voulu être éditeur (2010, sous le pseudonyme de François Thuret), Claude Durand est mort le 7 mai 2015, avant la parution de M'man, le dernier et le plus personnel de ses romans.
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